De la difficulté à se séparer de l’image qui rassemble deux oeuvres ayant le même sujet mais dont les intentions sont différentes. Quoique j’en sais rien, c’est juste ce que je me suis efforcé de faire pendant toute ma lecture.
Parce que oui, Le Mars Club pourrait servir de terreau à une dixième saison d’Orange is the New Black, sauf que la protagoniste n’est pas issue du même milieu que Piper Chapman/Piper Kerman. L’une étant issue d’un milieu aisé et qui se retrouve en prison après un délit moins grave que celui d’avoir commis un homicide comme l’a fait Romy Hall.
Romy s’appelle doit son prénom à Romy Schneider, mais à l’instar de son modèle nominatif, Romy Hall est un grain de sable dans la marée humaine de San Francisco, de ceux qu’on voudrait retirer de sa godasse parce que ça gêne et dont la vie ne nous intéresse pas, une invisible qui cherche à subsister aux besoins de son enfant en étant stripeuse. Jusqu’à ce qu’elle bute le sale type qui la harcelait constamment, même après avoir tenté de lui échapper, le meurtre étant la dernière solution à sa détresse, tuer pour être libre.
Le Mars Club ne s’arrête pas à ce que vit Romy au sein de cette prison pour femmes, ni à l’injustice ressentie face à la double peine à perpétuité dont elle a écopé pour son crime. Il évoque aussi l’histoire d’un intervenant extérieur érudit et fan de Thoreau et de l'Unabomber, des codétenues de Romy, des vies des gardiens qu’on haït de base pour ce qu’ils représentent, des histoires qu’on se raconte pour que la vie carcérale soit plus supportable alors que de notre point de vue plus que confortable, il aurait été beaucoup plus facile de baisser les bras.
La couverture m’avait évoqué une photo de Nan Goldin et j’avais fait mouche. C’est bien une photo de cette artiste et je trouve qu’elle colle parfaitement à ce qu’on ressent à la lecture du Mars Club -si tant est qu’on connait l’histoire de Goldin (les violences conjugales, les 3 autres quart d’heure de glaires américaines qu’on vit le restant de sa vie en espérant qu’arrive enfin le quart d’heure de gloire pour lequel on s’illusionne).
J’ai adoré. Parce qu’il enlace OITNB comme il sait aussi s’en éloigner avec un génie particulier, c’est une violence anesthésiée, des cris étouffés par le pouvoir, le patriarcat et l’administration, l’invisibilsation de personnes qui se lèvent chaque jour en attendant avec courage qu’il se termine. Rachel Kushner plante des graines aléatoires qui prennent forme, dont certaines crèvent mais tant pis y’a rien d’autre à faire que d’en replanter.
C’était éprouvant, mais pfiou. C’était nécessaire pour les mises à niveau qu’on ne voit même plus.