Je viens de finir la lecture de Le meilleur des mondes.
La première pensée qu'il me vient est qu'il ressemble à La zone du dehors de Alain Damasio ou 1984 de George Orwell. En effet, le même principe est évoqué : contrôle de la population par l'hébetement avec pour excuse l'harmonie, manipulation des citoyens... Tout ça par des hommes conscients de ce qu'ils font. Mais aussi, on y retrouve des membres sortant du lot, différents, pointés du doigt ou se cachant et finissant par être découverts.
Oui les ressemblances sont frappantes, mais la différence se tient dans la manière d'arriver à cette fin. En partie
Tout comme dans 1984, le peuple décrit dans Le meilleur des mondes est classé par castes; il y a les Epsilons au bas de l'échelle, mais aussi les Delta, les Gamma, les Beta, les Alpha, et chaque caste a une tâche pour laquelle il est préparé depuis avant la naissance.
Toutefois, le livre differt ensuite de 1984 par le conditionnement. Conditionné est un mot répété un bon nombre de fois dans le livre. Chaque ovule est fécondé artificiellement, non pas dans la femme mais dans une bassine où les spermatozoïdes se ruent. Chaque foetus est prédestiné à une caste particulière et donc le flacon dans lequel il évolue subit différents traitement. Pour les Epsilons par exemple, un peu d'alcool est versé pour les rendre stupides et sous développés. Ils seront faits pour les tâches ingrates et n'auront pas à réfléchir. Les Alpha seront quant à eux bien plus libres, de prendre des initiatives, mais pas trop tout de même.
Le processus est expliqué au début du livre avec précision, puis rappelé durant la lecture. On comprend assez vite comment fonctionne l'entreprise du Centre d'Incubation et de Conditionnement de Londres-Central. Et l'auteur se charge très bien d'en rajouter une couche au cas où on oublierait entre deux chapitres.
Les relations sexuelles ne sont pas un sujet tabou et les enfants ont le droit de jouer à des jeux intimes dès leur jeune âge, pour que toute émotions de frustration ou de violence soit éliminées durant leur croissance. Les hommes et les femmes ont plusieurs partenaires, et apprennent à appartenir à la communauté plutôt qu'à eux-mêmes. Le principe de famille, de père et de mère est aboli. La majeur partie de la population est stérile. Contrôlons les naissances, contrôlons la population. Évitons les émotions.
Le tout est géré par sa Forderie l'Administrateur, le chef actuel, la figure de la doctrine. Et si un citoyen a un coup de blues alors le soma, sorte de drogue, entre en jeu et permet d'échapper temporairement à la réalité.
Bref, grâce à cette méthode, Aldous Huxley nous présente des citoyens heureux, qui obtiennent ce qu'ils veulent, tout en apprenant de notre côté qu'ils ne veulent jamais vraiment plus que ce qu'ils ont. L'humain se contente de ce qu'on lui offre, de sa caste pour laquelle il est préparé depuis bien avant la naissance, et réclame rarement plus.
On peut y voir une certaine harmonie tout de même; pas de massacre, pas de tristesse, pas d'isolement... Sauf si on s'appelle Bernard Marx.
Oui, Bernard est différent. On raconte qu'un peu d'alcool a été versé par erreur dans son flacon d'Alpha, et il est donc mince, petit et physiquement peu harmonieux. Bernard est malheureux, isolé, et différent. En prime, ce pauvre homme souffre d'un manque de confiance en soit, ce qui le conduira à sa perte.
Il ne se privera pas de répéter encore et encore au cours du livre combien les enfants sont conditionnés par l'hypnopédie, qui consiste à leur faire écouter des slogants et phrases adaptés à chaque caste, "trois fois par semaine, de treize à dix-sept ans", par exemple.
Bernard Marx garde le rôle de personnage principal mais doit partager sa place avec Lénina, une beta plus au physique avantageux, "pneumatique", c'est à dire pulpeuse et déclenchant le désire des hommes. Elle suit le règlement à la lettre, n'éprouve aucune gêne quant au pluri-partenaire. Elle entretenait pourtant une relation quasi exclusive avec Henry Foster, toutefois elle craquera pour Bernard et son attitude atypique, qui lui donne envie de le câliner. Lénina aura un rôle importante dans l'histoire car elle compte dans la vie de Bernard Marx.
Et elle comptera également dans la vie du Sauvage, à qui la deuxième partie du livre est dédiée.
La deuxième partie du livre traite en effet davantage de l'humain, elle se déroule principalement autour de la vie du Sauvage et de sa découverte du monde "civilisé".
Aldous Huxley nous livre donc un roman à la 1984, mais moins violent et qui met en avant le côté humain avec tant de sincérité que c'en est traversant car comme nous, le Sauvage voit ce monde d'un point de vue extérieur.
La complexité d'adaptation entre deux civilisation est très bien représentée. Les croyances des deux mondes est totalement différentes, les attitudes qui d'un côté sont synonymes de bien être dans la société, se retrouvent être un péché dans l'autre et la compréhension des manières de l'autre s'avère difficile.
L'auteur nous présente donc quand même un monde futuriste bien à lui, très bien ficelé.