Double mystère pour ce roman, le mystère qui constitue l'intrigue elle-même bien sûr et le mystère du roman tout court car Charles Dickens est décédé avant d'avoir pu donner le fin mot de l'histoire. Bien involontairement avec son premier et dernier roman policier, Charles Dickens a crée un véritable mythe.
Un mythe qui fait se poser trois questions mais sans jamais pouvoir leur donner une réponse :
1- Qu'est que John Jasper, maître de chœur et chantre à la cathédrale de Cloisterham le jour opiomane la nuit, véritable Docteur Jekyll et Mister Hyde, fou amoureux de la promise de son neveu, a assassiné ce dernier ???
2- Est-ce que Edwin Drood a-t-il été tué ??? Ou alors a-t-il échappé à une tentative de meurtre ??? Ou alors a-t-il simplement disparu volontairement ???
3- Et enfin, qui est ce mystérieux Dick Datchery qui vient enquêter à Cloisterham ???
En plus pour certainement répondre de la meilleure manière aux critiques (pas totalement injustifiées !!!) qui lui reprochaient souvent d'être prévisible, l'auteur d"Oliver Twist" a cette fois très bien brouillé les pistes. Enfin reste que si la frustration est inévitablement présente, l'immense talent de ce qu'a réussi à écrire le grand Charles Dickens parvient à un peu l'apaiser. Son don pour décrire des personnages truculents avec humour et par cette intermédiaire critiquer la Société est délicieusement bien présent et apporte une belle consolation.
Difficile de ne pas ricaner en lisant les pages décrivant Mr Thomas Sapsea, l'honorable maire de Cloisterham dont la suffisance est à la hauteur d'un don spectaculaire pour l’imbécillité la plus totale, ou celles où les philanthropes s'en prennent plein la gueule en les comparant à un pugilat l'honneur en moins. Mais le summum est atteint avec Durdles, le tailleur de pierre du coin et grand connaisseur du cimetière (touche gothique récurrente intéressante au passage dans ce roman !!!) de sa ville, qui paye un sale garnement pour qu'il lui lance des pierres... là le saugrenu n'a pas de limite et c'est tant mieux et c'est surtout très drôle...
La solution proposée dans mon édition (puisque forcément il y a une proposition de solution !!!) écrite par le traducteur, l'auteur de romans policiers belge Paul Kinnet, si elle n'est pas pleinement satisfaisante sur le plan du sort réservé à certains des personnages, a le grand mérite de réussir à apporter une réponse très pertinente aux trois questions ci-dessus renforcée par une argumentation en béton (en particulier en ce qui concerne la véritable identité de Dick Datchery !!!) que Kinnet ne manque de développer après avoir présenté sa version.
Toujours est-il qu'avec ou sans solution, cette dernière oeuvre de l'immense écrivain achève de prouver que la lecture de Dickens est un véritable plaisir.