Expliquer l'inutile
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le 13 mars 2022
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« La déshumanisation, voilà où conduit le mythe viriliste du surhomme » à en croire Olivia Gazalé qui souhaite clore ce qu’elle appelle la « révolution viriarcale », bouleversement qui serait survenu autour du IVème millénaire av. J-C, inaugurant une longue ère androcentrée. Reprenant une idée qui n’est pas sans faire penser à celle de l’essai XY d’Elisabeth Badinter, elle explique que cette révolution, loin d’avoir simplement institué un rapport de domination des femmes par les hommes, aurait abouti à l’intégration par ces derniers d’une discipline et d’une ligne de conduite mortifères dont ils seraient aujourd’hui les premières victimes. Parcourant le temps long qui nous a mené de la préhistoire à nos jours à travers divers prismes (la religion, le rapport à la terre, la maternité, l’homosexualité, la prostitution, la masturbation, etc.), l’auteur tente de faire émerger des constantes susceptibles de valider sa thèse. Ses analyses autour de la symbolique du sang dans les sociétés archaïques (le sang versé de l’homme face au sang perdu de la femme) donnent court à quelques digressions intéressantes.
Pour ce qui est des temps que nous vivons, Olivia Gazalé part en guerre contre le virilisme, soit « le versant empêché du mythe de la virilité, retourné en agressivité, punitive ou auto-punitive » par la peur primale qu’auraient les hommes de leur propre impuissance. Très critique à l’encontre du féminisme différentialiste et de l’éthique du care, en qui elle perçoit le risque d’une dérive gynocentriste, elle se garde également d’un autre écueil qui serait celui de l’ordre moral. « Chacun, écrit-elle est libre de la dose de sacralité qu’il met dans son cul, qui n’a aucune vocation à être le siège de la dignité. »
Si cette thèse qui ne se départit par d’un certain désir de castrer l’ancien mâle dominant est parfois difficile à avaler, le format du livre et l’érudition de son contenu permettent des mises au point et des nuances bienvenues. « Mon propos ne consiste pas à nier les dissemblances parfois observées entre les dispositions psycho-affectives des hommes et des femmes, qu’elles soient innées ou acquises, explique-t-elle, mais à dénoncer la hiérarchisation qui en a historiquement résulté. » Les derniers chapitres sont les plus mal-pensant et de ce fait les plus intéressants. Elle y dénonce la misandrie d’un certain féminisme et déplore le caractère radicalement anti-érotique de cette haine de l’homme déguisée en antisexisme. « Qu’on le veuille ou non, les clichés de genre constituent un puissant aphrodisiaque » confie-t-elle in fine – comme pour s’excuser de la charge parfois un peu unilatérale qui domine dans le reste de l’ouvrage…
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le 13 déc. 2018
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