Je fais la critique des trois livres en même temps par facilité.
Résumé: un vampire et une sorcière tombent amoureux l'un de l'autre et décident de se marier alors que c'est interdit. Ils se mettent donc en quête d'un vieux manuscrit qui pourra les aider à faire tomber les interdits et casser les préjugés envers les espèces.
Ce résumé vous semble familier? Normal, on pourrait le réutiliser pour les 3/4 des romans de bit lit. Sauf que la trilogie All Souls: Le livre perdu des sortilèges est tout de même un peu plus que ça.
Le gros point fort de All Souls: Le livre perdu des sortilèges est incontestablement son environnement. En effet, cette trilogie s'étend sur plusieurs époques: son 2ème tome se déroule à la fin du XVIème siècle et le 1er et le 3ème au XXIème siècle, mais incluant des références à différentes périodes du Moyen-Age et de l'époque moderne et contemporaine. Vous l'aurez deviné, Deborah Harkness est professeur d'histoire des sciences et de la médecine dans une université de Caroline du Sud, et ça se voit. La plupart des livres qu'elle cite existent réellement, le "background" historique est solide. Si cette trilogie est parfaitement accessible pour ceux qui connaissent mal l'Histoire ou qui ne l'apprécient pas, elle est aussi une petite pépite pour les étudiants en Histoire et les amateurs éclairés dont je fais modestement partie. L'intrigue vaut ce qu'elle vaut, mais le contexte dans lequel elle se situe la distingue nettement des autres romans du même genre. Pour une fois qu'on a un auteur de fantasy qui sait des choses et qui prend plaisir à nous les faire partager, moi, j'adhère complètement.
Bon, évidemment, cette trilogie a quelques défauts. De manière générale, on peut citer quelques longueurs de temps en temps, des héros souvent agaçants (la peste soit de ces héroïnes modernes et libérées, femmes censément intelligentes qui pourtant se précipitent au devant du premier danger venu parce qu'obéir à son mari c'est trop rétrograde), et un troisième tome un peu plus faible, qui cède à certaines facilités :
(le manque d'exploitation des deux fantômes à Sept-Tours, l'apprentissage de l'informatique de Gerbert d'Aurillac, ou le scion, totalement inutile).
Un autre point à relever également, c'est l'abondance des personnages secondaires, une foule de personnages secondaires que l'auteur a un peu de mal à gérer (même si elle les développe assez pour qu'on ne s'y perde pas quand même). Il faut dire que pour quasiment chacun de ces personnages il y aurait eu matière à écrire une saga, du coup, l'auteur a dû faire des choix. Certains personnages secondaires sont à peine esquissés alors qu'on aurait aimé en savoir davantage (Hamish Osborne, les sorcières des covens) et d'autres sont un peu plus précis, mais auraient mérité un peu plus d'approfondissement (Emily, Martha).
Cependant, d'autres arrivent à tirer leur épingle du jeu: souvent décrits de manière assez fine, ils ont des personnalités contrastées et intéressantes (Marcus, Miriam, Ysabeau). Mais le trophée du meilleur personnage secondaire revient sans conteste à Philippe de Clermont, qui à lui seul vaudrait la lecture de cette trilogie. C'est de loin son personnage secondaire le plus abouti et le plus intrigant, et le plus complexe aussi.
Pour résumer: All Souls: le livre perdu des sortilèges est un petit coup de coeur. Il respecte à merveille l'intrigue insipide des romans de bit lit tout en y apportant un contexte historique discret mais foisonnant. On peut lire cette trilogie comme une trilogie classique, de la première à la dernière page, captivé par l'intrigue ou bien lentement, en parcourant chaque chapitre pour apprendre quelque chose de plus sur le livre et l'alchimie à l'époque moderne. Alors oui, il a des défauts, oui, les personnages principaux sont pénibles, oui, l'intrigue est parfois un peu faible, mais All Souls: le livre perdu des sortilèges fait partie de ces quelques livres de fantasy qui font qu'on pense en en tournant la dernière page: "je n'ai pas perdu ma journée".