Un chef d'oeuvre qui peut paraître difficile d'accès
Pour moi, Le Nom de la rose était avant tout un film de Jean-Jacques Annaud, que j'ai connu à l'école primaire. (je devais avoir une passion pour ce réalisateur, puisque le film « L'ours » a aussi baigné toute mon enfance)
Bref j'avais regardé Le Nom de la rose sous l'impulsion de notre prof de CE2 au moment où elle nous apprenait la période du Moyen-Age et qui nous conseillait de le voir puisqu'il passait à la télé dans la semaine. Comme j'avais (et que j'ai toujours) une grande passion pour l'histoire et notamment cette période j'avais demandé à mes parents de me l'enregistrer (oui à l'époque j'avais pas le droit de regarder la télé le soir)
Et depuis ce film m'a grandement marquée. A l'époque je n'avais pas forcément tout compris, mais avec le temps en grandissant et au fur et à mesure des rediffusions j'ai fini par bien le connaître. Mais je n'ai jamais eu l'occasion de lire le livre de Umberto Eco, un auteur que j'ai toujours voulu découvrir.
C'est pourquoi, je n'ai pas hésité un seul instant à participer à la lecture commune sur ce livre organisée sur Livraddict.
Pour en venir à l'oeuvre elle-même, j'ai du mettre une bonne centaine de pages avant de vraiment accrocher. En effet, l'histoire a du mal à avancer dans ces cent premières pages. De plus, la lecture n'est pas aisée et plutôt indigeste à cause du style de Umberto Eco, il faut rester plutôt attentif durant la lecture pour tout comprendre des descriptions, etc... Cela se sent que c'est un erudit du Moyen-Age qui écrit. Mais quand on lit comme moi dans les transports, c'est encore plus difficile de rester concentrée et d'accrocher durant 10 minutes de voyage en metro.
Malgré tout j'ai bien fait de m'accrocher et de ne pas refermer le livre dès les premières pages, car passé le cap des 100 pages un peu lourdes, l'histoire fini par nous emporter. Ca commence à bouger un peu plus, l'intrigue a enfin pris place. Donc passé la difficulté de rentrer dans l'histoire, il y a bien sûr d'autres difficultés devant lesquelles le lecteur lambda voudra fuir en courant, à commencer par des phrases, termes et paragraphes en latin. N'étant pas latiniste (juste une année en classe de 6e) j'étais complètement larguée sur ce point là et le livre ne propose aucune traduction en notes de bas de page ou en fin de livre. De ça, on a l'impression de passer à côté de certaines choses et je le regrette.
D'autres personnes auront du mal avec les termes d'architecture religieuse, ou tout simplement des termes religieux. Heureusement que pour ma part mes années d'Histoire de l'Art me permettent d'être rodée de ce côté là. D'autres encore auront du mal avec les références historiques citées ou le vocabulaire soutenu employé.
Dans tous les cas il faut reconnaître à Umberto Eco son sens du détail et tout son savoir sur cette période de l'Histoire, et pour beaucoup d'éléments, un peu de curiosité de la part du lecteur lui suffira pour comprendre certaines choses qui lui étaient obscures et dans un même temps cela lui permettra de se forger un peu plus sa culture. Je pense donc qu'il ne faut pas être rebuté par un contexte qu'on ne connaît pas, car c'est l'occasion d'essayer d'en savoir plus.
C'est donc au risque de perdre les lecteurs que l'auteur nous délivre ses connaissances au service d'un contexte qui se veut être le plus proche possible de la réalité afin d'être en totale immersion. Ainsi, je pense que si on était téléporté au XIVe siècle on serait dans un pareil état d'incompréhension de certaines choses (voire même plus)
Lorsqu'on lit du Umberto Eco on est sûr de plonger dans un puits de science et de connaissance, et on a l'impression d'en ressortir un peu plus intelligent à la fin. (en tout cas on en ressort pas plus bête) Faut juste se dire que ce n'est pas un livre pour se vider la tête mais qui invite à la réflexion, il faut donc être paré à lire ce pavé de plus de 600 pages.
Outre ces détails et du « background » historique, il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'un roman policier. Et celui-ci est rondement mené et très fouillé. Ainsi l'histoire nous est raconté du point de vue d'Adso qui revient sur les évènements qu'il a vécu alors qu'il était encore jeune moine sous la tutelle de l'ex-inquisiteur Guillaume, mené à l'Abbaye pour enquêter sur la mort suspecte d'un moine. Mais très vite au cours de l'enquête les morts vont s'enchaîner et toutes semblent tourner autour de la mystérieuse bibliothèque de l'Abbaye.
Je ne vais pas plus vous détailler l'intrigue, mais chaque personnage est extrêmement bien rendu dans leur psychologie, et on se prend un peu au jeu à essayer de deviner qui est l'assassin parmi ces moines et à analyser leurs comportements comme peu le faire Guillaume.
J'ai d'ailleurs beaucoup aime le personnage de Guillaume, un moine franciscain très cultivé, en avance sur son époque et très perspicace. Il a aussi une très grande rapidité d'esprit et de déduction qui vont lui servir dans son enquête. Néanmoins on peut être frustré de ne pas pouvoir suivre tout ses raisonnements logiques puisque tout est écrit du point de vue d'Adso et qu'il ne lui dit pas tout. Mais en fin de compte c'est pas plus mal de garder une part de mystère et de surprise, et Adso qui est encore jeune et découvre le monde est en quelque sorte dans le même état que le lecteur : il apprend. Ainsi tout est plus facile d'accès au niveau du contexte pour nous, alors que si ça avait été raconté du point de vue de Guillaume nous aurions été certainement un peu plus perdus. Nous découvrons et faisons donc notre apprentissage à travers les yeux d'Adso qui évolue, et qui finit lui aussi par devenir perspicace. (et c'est tant mieux car sa naïveté avait tendance à m'agacer)
Les divers moines rencontrés sont très bien dépeints dans leur personnalité : certains vous inspireront le dégoût, d'autres la suspicion, etc...
Umberto Eco arrive habilement à nous mener vers des fausses pistes sans en avoir l'air et ça je trouve que c'est un signe d'un très bon roman policier car cela nous rend chaque fois plus curieux de connaître le fin mot de l'histoire. Même pour moi qui en connaissait déjà la fin à cause du film j'ai été absorbée par l'intrigue qui se déroule sur 7 jours. (même si c'est vrai que depuis le début je connaissais le coupable et comment ça allait se terminer)
A cause de mon rythme de lecture j'ai mis du temps à finir ce livre et je ne l'ai pas lu dans des conditions optimales, mais je suis certaine que je l'aurai encore plus apprécié si je l'avais lu dans de bonnes conditions.
Pour résumer, j'ai passé un bon moment de lecture malgré les circonstances. Mais je ne conseillerai pas sa lecture à tout le monde, car beaucoup risque de prendre cette lecture pour un calvaire. Il faut pouvoir s'accrocher, être un minimum concentré et un minimum curieux d'Histoire pour pouvoir l'apprécier, car les détails et les digressions sont en grand nombre. Mais dès lors que vous aurez rempli ces conditions, vous vous rendrez comptes que vous avez lu un chef d'oeuvre de la littérature de genre policier et historique.