Roman du deuil, de la culpabilité, de la solitude et de tous les questionnements métaphysiques, existentiels qui accompagnent ces sentiments, Le Passager narre les errances d'un homme hanté par son passé et par le passé des siens (celui de son père et de sa sœur notamment). Mais McCarthy en profite aussi déployer tout son talent de la narration afin de multiplier les pistes (et les brouiller), les diversifier, alternant épisodes schizophréniques, dialogues surréalistes et retours dans le passé.
Le lecteur peut se trouver un peu perdu au milieu de tout ça, notamment dans les premiers chapitres, tant l'auteur semble se jouer des conventions et de la clarté pour mieux nous entraîner dans un délire qui se révèle parfois grandiose.
Ainsi les dialogues peuvent se montrer génialement drôles, proposant souvent des têtes à têtes à la limite du burlesque entre le personnage principal et un ami... souvent haut en couleur. Les répliques fusent entre franc parler détonnant, ironie grinçante, considérations personnelles élargies à l'ensemble du monde, de la société voir à l'échelle de Dieu ou de l'Univers ; le tout par le biais de répliques bariolées. Un vrai tour de force qui happe le lecteur et ne le laisse respirer qu'avec des chapitres un peu plus descriptifs moins passionnants sans doute voir des chapitres "hors sol" comme cette discussion sur les physiciens quantiques qui pourra perdre des gens en route.
Bien sûr tout cela fait de Le Passager un roman trouble, difficile d'accès, lecture exigeante qui demande concentration et patience pour ne pas trop se perdre ; mais la récompense est souvent là avec des moments brillants, des réflexions puissantes sur la nature humaine et une audace dans la narration (ce chapitre qui nous révèle de manière tardive et subtile la transformation d'un personnage !) qui laisse pantois.
Mon premier McCarthy et sans doute pas le dernier !
Le monde t'ôtera la vie. Mais par dessus tout et en dernier lieu le monde ne sait pas que tu es là. Tu crois comprendre ça. Mais non. Au fond de ton cœur tu ne comprends pas. Si tu comprenais tu serais terrifié. Et tu ne l'es pas. Pas encore.