Oui, l'idée de base du scénario est tout à fait douteuse. Jugez plutôt : à la fin de la seconde guerre mondiale, quelques nazis, mais pas leurs dirigeants, qui avaient développé une technologie spatiale avancée et une base secrète en Antarctique (oui, oui) s'envolent vers la lune, qu'ils colonisent. Espionnant la terre, ils préparent en secret leur revanche et construisent une formidable machine spatiale de guerre, le Götterdammerung afin de préparer leur retour et de régner sur le monde, ce qu'ils ont vocation à faire en tant que race des seigneurs. Rien que ça...Alors, le bouquin raconte, sous la forme de son journal intime, la vie de l'une de ces nazies, Renate Richter, depuis sa plus tendre enfance jusqu'à quasiment la fin de ses jours...En fait, trois époques dans le bouquin.
Première époque : la jeunesse. Renate, qui est née sur la lune, est une bonne nazie et croit fermement à la supériorité de l'esprit allemand, ou aryen, ou teutonique, pour citer quelques unes des expressions qu'elle emploie volontiers. Son père est un type important sur la base lunaire, une sorte d'ingénieur en chef. Et Renate, nous décrit sa vie d'écolière, puis d'étudiante sur cette base lunaire, où sont appliqués les principes de Saint Hitler (oui, oui) sous la direction d'un Mondführer. Dire qu'elle est endoctrinée, c'est peu dire, mais bon bref, elle y croit, en toute innocence, puis en toute bienveillance quand elle grandit.
Deuxième époque : Renate part sur la terre. Dans des circonstances que je ne décrirai pas ici. Vous n'avez qu'à lire le bouquin. Toujours est-il qu'elle se retrouve à New York, un peu telle Usbek et Rica (ceux de Montesquieu) à Versailles. En plus, évidemment la vie sur la lune est un peu plus austère que dans la grosse pomme et elle découvre - entre autres - ce qu'est une baignoire et le papier toilettes. Et au delà de ces quelques détails triviaux, elle fait plus ample connaissance avec internet et certaines des joyeusetés de notre civilisation avancée.
Troisième époque : tout se barre en couilles. Je n'en dirai pas plus, faut pas spoiler. J'en ai déjà assez raconté.
Et en définitive, ça fait un bouquin très curieux, qui se lit facilement, qui de plus est bien rythmé, avec des rebondissements. Mais aussi avec un ton que j'ai trouvé par moment un peu niais, mais à la réflexion ce bouquin est plus fin qu'il n'y parait. La première époque est évidemment une critique acerbe de l'endoctrinement, que dis-je de l'enrôlement de la jeunesse. Et évidemment, last but not least, du nazisme. Mais dans la seconde époque, Sinisalo (qui est finlandaise mais aussi lapone) n'est guère plus tendre avec les Etats-Unis et nos belles sociétés occidentales. Elle évite ainsi le piège de faire endosser à ce pays le beau rôle de rempart contre la barbarie, alors que ç'aurait été cousu de fil blanc. C'est là que fable moraliste, et humaniste disons-le, se révèle. Et c'est pour cette raison que tout part en live dans la troisième époque...