J'avais lu plus jeune quelques bouquins de Werber (étonnement, plutôt L'Ultime Secret et L'Arbre des Possibles que Les Fourmis ou Les Thanatonautes), et aimé. En reprenant la lecture du binoclard avec ce pavé (750 pages tout de même) je m'aperçois déjà d'une chose : l'écriture plate au possible, qui se lit certes sans effort (comme du Marc Lévy, quoi) mais qui ne fait jamais vraiment pétiller les neurones. Un comble pour un auteur crypto-scientifique s'intéressant aux mécanismes du cerveau (cf L'Ultime Secret, avec qui Le Rire du Cyclope partage un (des?) protagoniste(s)). La thématique m'intéresse pourtant au plus au point : qu'est-ce qui fait rire ? (plus largement, de quoi le rire est-il le signe?). C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une camarade de promo m'avait prêté (passé?) le bouquin il y a maintenant 5 ans, avertie que la fonction sociale du rire (sociabilisation, distinction sociale, langage méta-vernaculaire (!) ) m'interpellait.
Le Cyclope hilare, c'est un comique fictif, Darius, décédant en ouvrant une boîte sur laquelle est inscrit BQT (que Werber ose faire du suspense sur cet acronyme devinable en 5 secondes est honteux, au passage) après un spectacle. La journaliste scientifique (comme le paraphrase piteusement des dizaines de fois Werber...) Lucrèce et son mentor amant/père de substitution Isidore (alter-ego du l'auteur?) vont alors se saisir de cette enquête pour faire avancer un "roman" de vulgarisation scientifique (tiens tiens). Déception : l'essentiel de l'ouvrage est bâti sur une enquête policière aux rebondissements guère palpitants et gros comme une villa en plein centre ville (plusieurs fastidieuses course-poursuites, idiotes séances de PRAUB
(le Premier qui Rira Aura Une Balle)
, jeu des cailloux...). Rendre une pensée digérable en l'incorporant à un récit pourquoi pas, mais pondre un long récit boursoufflé sous prétexte de porter une (lointaine) réflexion sur un phénomène, bof. Car ce que Werber a à dire du rire confine à quelques évasifs principes neuronaux (balancé en une courte séquence copiée sur la page Wikipédia?) au mieux à un étalage de référence historique malaxé dans un grand récit conspirationniste (Beaumarchais, Rabelais et Desproges comme tenant la Grande Loge de l'Humour) semblant un peu trop se prendre au sérieux.
Sachant qu'une bonne partie de l'ouvrage est constituée de blagues plus ou moins drôles (je suis plutôt bon public en la matière; disons qu'à défaut de me faire rire, les blagues me divertissent) intercalées entre les chapitres (et concoctées pour partie par des lecteurs/fans les ayant déposé sur le site internet de l'auteur). Résultat : un livre pas désagréable à lire mais jamais vraiment stimulant, qui érige une montagne (750 pages, purée (bis) !) pour accoucher d'une souris.
"Nous rions pour fuir le réel". Merci Bernard !