En plein cœur du drôle de recueil, déséquilibré, tarabiscoté, du Roi en Jaune, il y a un tableau obscur, inquiétant, cousin du surréalisme, de la réalité exacerbé. Il y a cette nouvelle à rallonge et Paris sous les obus prussiens. Il y a un récit immersif et finement ciselé, jeté là pêle-mêle comme un vulgaire rien-du-tout. Pourtant ses traits sont maniaques, ses psychés brossées et tendues loin au-delà du cadre. Même s’il conclut hâtivement, d’une vaine morale, une épopée aussi minuscule qu’entraînante, il ne ternit qu’un peu l’éclat de ses formes troublantes, dignes du fantastique le plus vil alors qu’il ancre son temps dans un réalisme absolu.
A ses côtés font pales figures les tentatives éparses et égarements mal dirigés. Nulle vautre absolue, loin s’en faut, l’œuvre est honnête et des plus sérieuses. Les bons moments côtoient les traversées ennuyeuses et alanguissements sans fin, les frétillements intenses et les bâillements de défaille. L’étincelle cependant tarde à se manifester. Elle qui, pourtant, est le propre de la nouvelle. Elle qui sera la marque, l’aura des glorieux successeurs de Chambers. L’ouvreur presque anonyme d’une génération de conteurs foldingues aux univers alambiqués peine à imposer une vision personnelle du monde du non-dit et de la suggestion.
Il y a un temps ce Roi, son petit être théâtral aux multiples mystères. A peine esquissé, tout juste aperçu. De cette pièce maudite nous n’aurons que quelques tragiques conséquences, funestes célébrations d’un quelque chose dont on ne sait pas grand-chose.
Vite oublié, balayé.
Sans autre forme de procès, sujet semble-t-il épuisé, le Roi quitte la scène vite foulée, cède la place au Paris réaliste d’un rêve habité des fantasmes de son auteur pour un second acte coloré.
Le sens y est, une belle et inattendue cohérence et une certaine force de caractère. Une douce émotion retenue. Mais de caractère point. Chambers n’ose encore une fois livrer pleinement son âme à l’œuvre, planque son Lui derrière un formalisme facile.
Qu’eut-été cette œuvre nimbée de la belle authenticité artistique, du cœur ouvert d’un artiste visiblement dissimulé ?
Qu’eut-été le Roi en Jaune habité du supplément de vie qu’insuffle l’homme aux mots ?