Critique rédigée en janvier 2018
Considérée comme une pièce inclassable (très proche de l'absurde, c'est à dire ni comique ni tragique), Le Roi se meurt, écrite par l'auteur français Eugène Ionesco et présentée pour la première fois en 1962, met en scène le roi Bérenger, sur la dernière ligne droite de la vie. Pourtant, on ne connaît pas la réelle cause de l'annonce de sa mort prochaine. Renié par la reine Madeleine, archétype de la marâtre acariâtre aveuglée par le respect des bienséances, mais soutenu entre autres par la reine Marie, plus douce, et par un drôle de garde, Bérenger va devoir affronter une terrible épreuve, celle de l'attente de la mort, à travers différences situations cocasses pleines de vérité mais aussi avec une part très importante de fictif. Mais le statut de roi peut-il permettre de refuser la mort, même en étant roi?
Quel engagement! Traiter de la mort avec autant de dérision requiert une grande maîtrise de la langue et beaucoup d'humour... Et l'ami Eugène l'a fait.
Cet absurde proche de la philosophie est un véritable bonheur du début à la fin, et pourtant dieu sait que cette pièce est sombre;
Les dialogues sont d'une richesse inégalable ! Différentes figures de style viennent par exemple prouver qu'ici, la Mort n'est pas du tout prise au sérieux au final, alors qu'il s'agit d'un thème noble, et l'un des principaux de la Tragédie.
Le Garde - Le roi est mort, vive le roi!
Marguerite - Idiot, tu ferais mieux de te taire.
Ou encore, la banalisation de la vie, nous rappelant Ô combien la Terre est large pour se frayer une grande place :
Il sera une page dans un livre de 10 000 pages, que l'on mettra dans une bibliothèque qui aura un million de livres, une bibliothèque parmi un million de bibliothèques.
Cette sorte d'engagement visant à chambouler les règles du théâtre est un pari très audacieux de la part de Ionesco, qui est avec Samuel Beckett l'un des premiers à avoir popularisé le genre théâtral de l'absurde.
De fil en aiguille, l'histoire s'enlise dans une ambiance angoissante et pourtant hilarante. Un véritable jeu d'émotions est à notre portée.
La pièce n'a absolument aucun temps mort, toutes le répliques et les sitations s'enchaînent sans que l'ennui ne pointe son nez, et assister à une représentation de cette pièce en décembre dernier a été une formidable occasion de découvrir cette merveille sur scène, au théâtre de la Cartoucherie à Vincennes, avec le charismatique Antonio Diaz-Florian.