Dans ma ridicule ignorance de la littérature contemporaine je n'avais encore rien lu d'Emmanuel Carrère, mais attiré par la beauté simple du titre (oui il en faut parfois peu) et par mon amour de la littérature ayant trait à la religion ou à la théologie je me suis intéressé à ce roman qui se pose comme celui d'un auteur ayant "cru" mais dont la foi aujourd’hui éteinte se rappelle à son bon souvenir. Le postulat est attrayant, le risque était grand mais l'auteur ne s'en est pas si mal sorti.
Certes le contexte autour de l'enquête est finalement un peu inutile et j'ai personnellement du mal avec ce récit à la première personne qui aurait pu être selon moi évitable. Au fond les premiers chapitres ne servent pas le récit et ne font que l'inscrire dans un cadre romanesque contemporain et plus actuel, mais E. Carrère aurait très bien pu parler des textes du Nouveau Testament et de ses personnages sans cela, en mêlant histoire et fiction comme il le fait très bien.
Car c'est le point positif de ce livre, l'auteur est honnête, franc, et sa démarche s'en retrouve renforcée : il s'appuie sur les Textes, les canons bibliques et d'autres sources (exégètes, historiens...) pour mieux combler quelques vides en y plaçant ses interprétations de romancier. On trouvera même quelques analyses d'auteur sur ces auteurs eux-même qu'étaient Luc, Marc ou Jean. Et puis cette stratégie de rester finalement en retrait des éventuelles querelles mystiques pour mieux rester dans un cadre historique plus concret, moins spirituel est à mettre à son crédit. L'auteur prend parti, n'est pas si tiède que ça quand il s'agit de donner son avis, mais toujours sur un plan historique, sur les hommes et pas sur la religion en elle-même, sur la divinité ou d'autres considérations ayant trait à la foi. Sa position est la bonne pour un auteur de littérature.
On apprend donc plein de choses avec ce livre mais bizarrement il nous donne plus envie de s'intéresser aux textes, aux commentaires de textes et aux travaux d'historiens que de relire ce qui reste un roman agréable à parcourir mais qui ne se sublime pas par son sujet. Comme je l'ai dit cela s'explique par le cadre autobiographique un peu pesant et superflu, par un abus de référence qui là aussi ne s'imposaient pas ; vouloir actualiser les choses pour mieux nous les faire comprendre n'était ici pas nécessaire tant l'ensemble est déjà limpide et facilement appréhendé.
Au fond il n'y avait pas besoin de faire du roman là où de la simple littérature suffisait. Nul besoin d'inscrire ce mélange réussi d'histoire (religieuse mais aussi d'histoire tout court) et de fiction inscrite dans l'histoire dans un mélange de récit autobiographique mâtiné de roman.
Malgré ces réserves je persiste à trouver la démarche intéressante, je trouve la plupart des chapitres passionnants, le rythme bon et je me dis que ce livre peut-être un bon tremplin vers un intérêt pour une période historique où la religion était à la fois débutante et plus forte.