Pour ce qui est du décor, ça fait un peu penser à "Gagner la guerre" de Jaworski : une ville d'inspiration méridionale, à une époque qui s'apparente au moyen-âge ou à la renaissance. Une fantasy à base de magie discrète, qui n'intervient que par intermittence dans la trame de l'historique. Une narration à la première personne du singulier. Mais la comparaison s'arrête là; ici le narrateur n'est pas un Benvenuto Gesufal amoral et sans scrupules. Nox est un jeune gars qui sort tout juste de l'adolescence et qui a plutôt tendance à s'étouffer sous ses scrupules. Pas facile quand on évolue dans un environnement bourré d'arrivistes et d'intrigants de tous poils, dont certains ont en outre un sérieux pète au casque.
A vrai dire, la comparaison pourrait tout de même se prolonger un peu dans le sens où il s'agit là aussi d'un premier roman, que d'aucuns ne manqueront pas de plus de qualifier de coup de maître. Premier roman qui n'est qu'une brique d'un édifice plus important : une double trilogie, cité du sud (dont le sang de la cité est le premier opus) d'une part, et cité du nord, d'autre part, dont l'autrice est Claire Duvivier. Le tout précédé par un écrit à deux mains, "La tour de garde" qui en quelque sorte campe le décor. Je dis en quelque sorte car je ne l'ai pas lu, n'ayant que récemment appris son existence. Il faudra que je songe rapidement à réparer cette omission, d'autant que j'envisage sérieusement de me lancer dans la lecture de l'ensemble. Travail de longue haleine en perspective : les deux troisièmes épisodes devant sortir en 2023, au printemps pour le sud et à l'automne pour ce qui est du nord. Normal. Après, il est vrai que j'en ai quasiment terminé avec Fidelma...
Je ne vais rien apprendre aux lecteurs de télérama, mais certainement réjouir les amateurs de potins qui n'y sont pas abonnés : Duvivier et Chamanadjian sont en couple. Tous deux sont des auteurs français (on s'en serait douté) de fantasy sortis un peu de nulle part : très peu d’œuvres à leur actif jusque là, même si Duvivier évoluait déjà dans le milieu de l'édition. Force est d'admettre que cette cité du sud est fort bien construite, je parle du bouquin, pas forcément de la ville elle-même. Un scénario bien fichu, une histoire prenante et une vraie atmosphère de ville méridionale, animée et même grouillante, peuplée d'habitants hauts en couleur et dont les passions principales sont la poésie et la bonne chère (le sang de la cité est d'origine manifestement viticole). Et régie par de nombreuses maisons ducales dont les totems sont des animaux : une vraie ménagerie. Bref une bonne lecture sympa, fluide et qui promet si la suite comme la parallèle sont du même acabit.