Comme beaucoup de monde, j'ai découvert l'univers du Sorceleur avec l'adaptation en série. Et comme j'aime beaucoup un lore bien dessiné, elle m'a évidemment donné envie d'en savoir plus. Je me suis tournée vers l'autre adaptation, en jeux vidéo, et puis vers les livres d'origine.
J'ai commencé par une sale déception avec l' édition de poche : traduction ou langue d'origine, en tout cas, je n'étais pas vraiment séduite par le style, qui faisait de la lecture une corvée. S'il ne s'était pas agi en majorité de textes très courts, j'aurais vite renoncé.
Heureusement, en arrivant au tome 3, j'ai acheté (par hasard) l'édition de Bragelonne traduite par Lydia Waleryszak, beaucoup plus agréable à la lecture. Me voilà donc réconciliée avec la série.
Dans ce tome 3, les points de vue s'élargissent et il arrive que la narration quitte le côté de Geralt pour se concentrer sur Ciri. J'ai trouvé ce nouveau point de vue très bienvenu, mais le plus habile est à mon sens la façon dont non seulement l'intrigue évidemment, mais aussi les personnages tournent autour d'elle à la façon d'un système solaire, dont ils interagissent et se font connaître au lecteur par elle.
Avec ce nouveau tome, la géopolitique du Continent prend une nouvelle dimension et le lecteur en apprend plus sur les oppressions qui structurent la société, et notamment celle des créatures non humaines (les elfes et les nains, mais aussi les dryades, qui sont un peu à part mais qui illustrent avec peut-être encore plus d'acuité le processus de colonisation et la résistance qui y est opposée) par les hommes. Le lien est fait entre colonisation et économie, et votre chère petite anticapitaliste de base en a été très réjouie.
Évidemment, comme je le lis à l'instant dans une autre critique, l'un des points les plus marquants de la réputation de cette série de livres est la façon dont elle trouble la perception d'un "camp du bien" et d'un "camp du mal"... On arrive à des considérations profondément politiques avec la question de la neutralité abordée par Geralt et Ciri face aux Écureuils, cette bande d'elfes et de nains qui attaquent les voyageurs humains pour se venger de massacres passés. L'ambition presque philosophique, du moins très politique, de ce passage était perceptible, mais je n'ai pas été convaincue et je l'ai trouvé trop superficiel. Ça aurait demandé plus, et j'aurais lu ces élaborations avec plaisir, que je les partage ou non. Peut-on expliquer cette superficialité par la fragilité et l'artificialité des réserves de Geralt ?
Les nouvelles à l'ordre chronologique déstructuré des tomes précédents sont un peu lissées ici, ce qui est peut-être dommage, mais ce n'est qu'un goût personnel. On y devine tout de même ma petite marotte, ce dont je parlais dans ma critique de Gagner la guerre : les évocations un peu mystérieuses d'événements qui ne sont pas étalés et détaillés sous les yeux des lecteurs, mystères qui sont toujours mon grand plaisir (à titre de comparaison, ce que GRRM fait avec un brio inégalé). Je pense à l'épisode de la bataille des mages sur la montagne, notamment.
Dans l'ensemble, c'est un nouveau tome très réjouissant, qui confirme les richesses et les profondeurs de l'univers du Sorceleur. Tant qu'on lit la bonne traduction.