La comparaison du Soleil des Scorta avec le roman le plus célèbre de Gabriel Garcia Marquez s’impose d’elle-même. L’épopée familiale séculaire et transgénérationnelle, la malédiction fondatrice, l’existence du village comme un personnage à part entière, l’histoire italienne du milieu du XIXe siècle jusqu’à nos jours en toile de fond, et même quelques éléments fantastiques.
Seulement, contrairement aux quelques 450 pages de Cent Ans de Solitude, le Soleil des Scorta file à toute allure. Entre les personnages d’abord, qui semblent tous mourir très jeunes (à l’exception de Carmela) et dont seules quelques grandes lignes sont esquissées sur quelques dizaines de pages. Même Carmela, de loin la plus détaillée, ressemble à une effigie de cire voilée de mystère et d’absences.
Le roman fonce aussi à travers les époques, bien discrètes en arrière plan et parfois carrément absentes (la période fasciste est à peine évoquée, les deux guerres passent à la trappe, l’unification italienne simplement suggérée, les années de plombs disparaissent). C’est dommage quand les personnages traversent justement ces événements, directement ou pas. La tentative d’émigration à New York symbolise d’ailleurs assez ce sentiment ; on ne franchit jamais la douane, toujours ramené, comme un impératif, à la terre du pays séculaire.
Pourtant les choses possèdent, dans le roman, une légèreté vraiment dérisoire. On nous rabâche avec le vent, le soleil et la terre du Gargano sans pour autant que le poids des symboles soit palpable. Au contraire, c’est une Italie de carte postale qui ressort des descriptions et des lieux. La sauce tomate, l’huile d’olive, «va fan’culo », le campari, presque tout y passe et loin d’ancrer le roman dans une réalité, ces tentatives stéréotypiques font plutôt hausser les sourcils.
Peut-être ces remarques tombent-elles toutes à côté et que l’effacement des personnages est censé être une référence à leur place dans l’Histoire. Ou que la discrétion de cette Histoire renvoie plutôt à la plus grande importance du Gargano, région dans la région (mais pour autant coupée du monde ? Même Macondo possédait des bananes) où le tumulte du pays ne pénètre pas.
Finalement, ce que le roman réussit (l’établissement de la dynastie des Scorta et la promesse du curé quant aux funérailles) est rapidement évacué dans le reste du récit et on peine à savoir où l’auteur veut en venir. Ajoutons à cela que les dialogues sont franchement mal écrits et il en ressort l’impression d’avoir passé dix ans à Montepuccio au lieu de cent.