CRITIQUE TOME 3 ET 4
Dès le tome 3, la saga du Sorceleur cesse d’être une suite de nouvelles pour devenir une seule et même histoire, traitant de la destinée particulière de Ciri et de son lien avec Geralt, tel qu’introduits durant les nouvelles.
Le rythme et la façon de raconter changent donc quelque peu. Le récit prend un peu plus de temps pour développer les personnages et leurs relations, comme l’apprentissage de Ciri à Kaer Morhen, sa relation à Géralt mais aussi à des figures féminines comme Triss Mérigold (autre magicienne amante du sorceleur), et Yennefer.
L’échiquier géopolitique se dévoile davantage également, avec un constat toutefois : il est difficile de se repérer parmi les royaumes, les rois et même les magiciennes qui les conseillent. En l’absence de cartes ou de listes dans l’édition, ces personnages secondaires évoqués de manière très aléatoires paraissent bien souvent un peu confus… Mais ceci peut fort bien s’expliquer autrement que comme une faiblesse narrative : le héros, un Sorceleur, a toujours affirmé ne s’attacher à aucune cause, être détaché de tout, ne prendre part à aucun combat. Les affaires des rois et des magiciens lui importent peu. Même lorsque des Ecureuils, des elfes en rébellion contre les humains, s’attaquent à des convois, il refuse de les combattre, même pour protéger des innocents. Mais, comme bien souvent, il est contraint de prendre parti… D’autant plus depuis sa rencontre avec Ciri…
En effet, recherchée par Nilfgaard pour s’emparer du royaume de Cintra, traquée également par les rois qui la souhaiteraient volontiers morte, mais aussi par les magiciens en raison de ses pouvoirs magiques et d’une étrange prophétie, la jeune orpheline est au centre de toutes les convoitises.
Et Géralt se retrouve au milieu d’un écheveau d’intrigues qui le dépassent.
Un peu comme le spectateur, qui d’un tome à l’autre, ne sait plus bien qui complote avec qui, qui est allié avec qui, et quelles sont les armées en train de combattre. Une confusion probablement voulue donc, et justifiable, mais un peu plus de clarté ne serait peut-être pas plus mal, cela contribuerait davantage à l’intérêt de l’histoire.
L’histoire peut sembler décousue à certains moments. Comme en fin du tome 2 où Géralt apprenait de la bouche d’un marchand les événements du mont Sodden (intelligemment montré dans la série), Géralt se trouve rarement au lieu d’événements importants, et les apprend, ainsi que le lecteur, de seconde main. Sauf à certains moments, où l’auteur choisit de nous montrer des passages extérieurs pour mieux nous faire comprendre la situation, comme ces réunions secrètes entre magiciens ou rois (tome 3), où l’Empereur ennemi donnant des ordres.
Dans le tome 4, une fois n’est pas coutume, le Sorceleur se retrouve au milieu d’événements capitales, lors d’une réunion de magiciens sur l’île de Thanedd. Une partie d’entre eux complotaient en effet pour renverser le conseil restreint et démasquer des traîtres à la solde de Nilfgaard, mais l’opération a pris une mauvaise tournure et la réunion a tourné en un affrontement général…
Geralt fut grièvement blessé, et Ciri comme Yennefer sont portées disparues…
Depuis ces événements, Nilfgaard a exploité cette opportunité en une légitimité pour attaquer de nouveaux territoires du nord, avec parfois le soutien tacite même de royaumes rivaux… La guerre a repris de plus belle, alors que le Sorceleur n’a plus qu’une idée fixe en tête : retrouver à tout prix Ciri, fut-elle au main de l’Empereur lui-même, peu importe le danger…
Au-delà de l’histoire, on retrouve quelques réflexions intéressantes. Les Elfes, pourtant présents bien avant les humains, sont maintenant une race méprisée et persécutée, dont les plus jeunes éléments sont poussés à la révolte pour espérer survivre. Une situation analogue aux Indiens et autres aborigènes, ou dans d’autres œuvres imaginaires, une intolérance à la différence qui évoque les robots, mutants, extra-terrestres voir vampires.
Le temps des Sorceleurs n’est plus. Maintenant les créatures se raréfient, les hommes apprennent à vivre avec celles qui restent, et Géralt, relique du passé, doit continuer de vivre dans un monde qui a changé et ne veut plus de lui. Pour les obstacles qui s’annoncent devant lui, pour préserver Ciri, il devra lui aussi changer.
La saga du Sorceleur n’est certes pas l’une des meilleures sagas de fantasy qu’il m’a été donné de lire. Elle est loin d’arriver à la cheville du trône de fer, ni même de l’Assassin Royale ou du clan des Otori. Mais elle s’avère très plaisante à lire, les héros sont attachants, et le mélange des différentes inspirations mythologiques est sympathique. On pourra regretter toutefois une diminution de la présence des créatures monstrueuses au profit des intrigues humaines, et un univers qui pourrait être encore d’avantage étoffé et dévoilé de façon plus claire.