Le Terrier
7.8
Le Terrier

livre de Franz Kafka (1923)

Au bout de 55 jours de confinement, ma cure de désintoxication de Sens critique a tenu ses promesses, et au-delà. Quelle vie luxueuse de lectures océaniques et d'écriture en archipels ! Je poursuis aujourd'hui une série de critiques de Franz Kafka commencée en mars. "Le Terrier" s'imposait, évidemment ! Une histoire aussi ignorée sur notre site que le coronavirus est célèbre sur la planète.


Imaginez un immense terrier, doté d'innombrables galeries de circulation et d'aération, d'une grande place où entreposer la nourriture et d'une cinquantaine de petites places, où la bête peut se reposer et dormir. Elle se réveille "un rat entre les dents". C'est une bête d'espèce inconnue, de taille et de forme indéterminées, de couleur douteuse... bref, chacun d'entre nous... Elle raconte sa vie sans trop se soucier de repères temporels. Quelles sont les saisons ? Est-ce le jour ou la nuit ? Quelle heure est-il ? Nous n'en saurons rien. Tout au plus, sa conscience distingue-t-elle entre sa jeunesse, son âge mûr et sa vieillesse.


La bête s'active sans cesse à améliorer son terrier pour se garantir de ses ennemis et à stocker des réserves alimentaires pléthoriques.
"Ce que mon terrier a de plus beau, c'est son silence." Car le bruit signifie l'approche d'un ennemi intérieur ou extérieur "et ce sera la fin". La bête s'acharne à survivre, creuse une fausse entrée qui donne sur une impasse et une issue de secours pour fuir le danger.


Après une sortie à l'extérieur riche en émotions, où elle capture du gibier, la bête retrouve son terrier saine et sauve. Mais un sifflement intermittent l'alerte. Le sifflement enfle : est-ce un gros animal ? "Dans mes rêves, une gueule concupiscente renifle alentour et sans trêve." Le sifflement obsessionnel semble la sonnette d'alarme d'un serpent à sonnette, qui crache son défi : "Es-tu prêt au combat ?". La bête se crispe d'instinct : "mes adversaires sont légion."


Les cauchemars nocturnes de la bête ont-ils annexé sa vie consciente ?
L'essentiel n'est plus d'assurer sa propre sécurité mais de "défendre le terrier", ce cachot d'auto-enfermement et de solitude (der Bau signifie terrier, construction, mais aussi cachot en argot). La peur oriente l'imagination vers un cauchemar sécuritaire. Une telle folie engendre des organes de sécurité devenus autonomes - leur cancer prolifère, dévore la bête de l'intérieur...

lionelbonhouvrier
7

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le 11 mai 2020

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