Après un premier volume très imparfait mais bourré de bonnes idées, et un second nettement mieux, George RR Martin se devait de confirmer une bonne fois pour toute le statut de sa série avec sa troisième partie. Et, après de nouvelles longues heures de lecture, force est d'avouer que le pari est remporté haut la main.
Pourtant, la qualité de ce nouvel opus ne saute pas directement aux yeux, et il faut un peu de temps, quelques demi-centaines de pages, avant de commencer à s'en apercevoir. Le rythme du début est en effet relativement lent, et pourra éveiller les mauvais souvenirs des premiers chapitres extrêmement laborieux de la première Intégrale. Malgré la lenteur, on ne s'ennuie heureusement pas - d'autant que le style semble s'être encore amélioré - et on se rend vite compte que tout ce lent démarrage n'est finalement qu'une grosse mise en place, précédant un enchaînement d'événements tous plus intéressants les uns que les autres.
La première vraie surprise de ce volume vient d'un parti pris osé mais diablement pertinent : Jaime fait désormais partie des "narrateurs". Entre guillemets, puisque Le Trône de Fer n'est jamais narré à la première personne. Mais même à la troisième personne, on suit enfin le point de vue d'un "méchant" (Jaime), et non du "gentil" qui l'accompagne (Brienne en l'occurrence). Cette prise de risque est une des meilleures idées du livre, car elle va permettre d'humaniser la famille Lannister, qui était plus ou moins jusqu'à présent la faille de la saga : trop chanceuse, trop intouchable, trop méchante - bref en un mot trop clichée - pour être crédible. Suivre le point de vue de Jaime permet donc de connaître ses secrets, ses motivations, ses pensées, et ainsi de l'humaniser. Son évolution sera d'ailleurs un point clé de A Storm of Swords et ses chapitres, sans être transcendants, apporteront une nuance dont l'histoire du Trône de Fer avait bien besoin.
On a également enfin de vraies prises de risque scénaristiques, peut-être les premières vraies de la saga : la main de Jaime, par exemple, est un événement choc qui remet en cause un Lannister, ce qui est une première ; le mariage de Sansa est habile, le duel de Lord Béric intrigue, etc.
Puis l'intrigue se déroule, et le Trône de Fer commence à devenir salement sale. Les Noces Pourpres sont un peu l'apothéose parfaite de ce troisième volume. Contrairement aux retournements de situations assez peu crédibles de la fin du tome 2, ceux de A Storm of Swords sont bien mieux amenés, travaillés, et aussi logique qu'implacables. Si GRR Martin a indéniablement progressé à tous les niveaux, c'est clairement dans le maniement des ficelles que sa nouvelle adresse se voit le plus. Les noces pourpres constituent donc le retournement le plus crédible, le plus logique et le mieux ficelé jusqu'à présent, et c'est ce qui le rend si horrifiant.
Non content de parfaitement mener la danse, l'auteur décide cette fois de ne se défiler devant rien : lorsque la série des rois annoncée est amenée à se terminer, elle... se termine. Et n'est pas esquivée par une quelconque astuce rafistolée, comme c'était le cas à la fin de A Clash of Kings.
Enfin, le livre prend le temps de se conclure de la meilleure des manières pour chacun des personnages, avec encore une fois son lot de surprises (Arya, Tyrion, ...).
Au-delà du rythme presque parfait et de la gestion des intrigues impeccables, A Storm of Sword arrive à trouver une place pour chacun de ses personnages, et c'est ce qui le rend d'autant plus bon. L'exemple le plus flagrant est celui de Daenerys qui, sans être plus présent qu'auparavant, gagne en importance au sein du récit et possède de vraies intrigues, qu'on sent utiles pour la suite du déroulement de l'histoire, et non plus de simples petits trucs tarabiscotés histoire de tenter (vainement) de faire en sorte que le lecteur garde un peu d'intérêt pour sa personne.
L'univers de la saga s'étoffe donc encore un peu plus avec cette troisième intégrale, et on commence à distinguer où l'auteur semble vouloir nous amener in fine. Et si j'ai d'un côté peur de ce que cette orientation peut donner, j'en suis en même temps très curieux. Couplons cela à un épilogue des plus intriguant, et je n'ai alors plus qu'une hâte : me replonger corps et âme dans l'univers de George RR Martin, en espérant que le volume 4 soit à la hauteur de mes attentes.