Une citation de Daenerys qui me semble parfaitement correspondre à cet opus. En effet, ce cinquième volume du Trône de Fer rembobine son intrigue pour se dérouler en parallèle d’A Feast of Crows, le tome précédent, mais cette fois du côté des personnages oubliés la dernière fois (Jon, Daenerys, Bran ou encore Theon). On quitte donc un tome transitoire (AFFC passait son temps à reconstruire l’univers après le déchaînement apocalyptique d’A Storm of Swords) pour un nouveau tome transitoire. Et pour la seconde fois consécutive l’auteur peine à passionner sur le long terme.
Si le début du livre est sympathique car on retrouve après un épisode d’absence des personnages qu’on connait bien, on se rend vite compte qu’eux aussi vont errer dans les méandres de cette période de transition. Et si certains périples sont de prime abord plutôt intéressants, les pages passent sans réelle passion et l’on se demande de nouveau rapidement quand est-ce que la série va retrouver un véritable intérêt.
La lecture est pourtant toujours aussi chouette et j’ai abattu les 1223 pages plutôt rapidement mais, outre l’attachement à l’univers, cette envie de lire est surtout mue par cet implacable sentiment qu’on pourrait appeler le « je sens que ça va bientôt arriver ». La situation géopolitique évolue lentement mais sûrement, et les pions se replacent un à un pour ce qui (on l’espère) sera la dernière partie sur cet échiquier. Malheureusement, on ne verra dans cette intégrale guère plus que l’ombre de cette partie.
Les situations des différents personnages à l’issue de ce tome sont variables et certains semblent presque en place pour la dernière (ou l’avant-dernière) ligne droite, à l’image de Daenerys, Cersei et Aegon. D’autres ont une destinée indécise dont on ne sait trop si elle sera intéressante, même si on l’espère (Tyrion, Jaime, Stannis ou Théon par exemple). Enfin, il y a certains personnages dont on se fout totalement car leurs chapitres ne furent qu’ennui total sur les deux derniers volumes en date, et c’est bien dommage : Bran, Arya ou encore Brienne. Un constat mitigé donc, qui nous fait craindre que la suite ne soit qu’un nouvel opus transitoire tout en priant pour que ce ne soit pas le cas, et pour que la saga reparte cette fois vraiment et définitivement.
Pourtant, force est d’admettre une nouvelle fois que GRR Martin a construit quelque chose de titanesque avec cet univers dont la dimension et la cohérence sont aussi folles que passionnantes. C’est malheureusement dans l’exécution que cela pèche. La décision de séparer un seul gros volume en deux (A Feast for Crows et A Dance with Dragons) était courageuse sur le papier mais est ratée dans les faits. Certaines intrigues du volume 4 se voient ainsi continuées dans un ou deux chapitres seulement du volume 5 (Jaime, Brienne, Dorne), créant un sentiment d’éparpillement total. Pour moi qui ai enchaîné les deux volumes, c’est moyen mais ça passe, mais quid de ceux qui ont attendu celui-ci pendant 7 ans ? Jaime revient faire un caméo et repart avec Brienne dans un piège dont on ne connaîtra l’issue… que 7 ans plus tard, encore une fois.
Et ce n’est qu’un exemple. Je respecte énormément le travail abattu par Martin, mais force est de reconnaître que ces deux volumes sont mal construits et mal foutus, malgré un contenu globalement intéressant. Et on pardonnerait aisément la lenteur de l’intrigue si elle n’était pas une métaphore voilée de la propre lenteur de l’auteur, et s’il fallait attendre 2 ou 3 ans pour avoir la continuité d’une intrigue et non 14.
Alors ça y est, les pièces sont (au moins partiellement) avancées, et la dernière partie de cette danse avec les dragons s’envole un peu pour se terminer sur un épilogue magistral qui renoue avec les plus grandes heures de la saga. Mais voilà, pour voir ces heures poindre de nouveau, il va encore falloir attendre, encore. En 11 ans à sa sortie et 16 maintenant, l’histoire du Trône de Fer n’a qu’à peine évolué. Et après The Winds of Winter, prévu pour Mars 2017, combien de temps faudra-t-il encore attendre ? Lorsque l’histoire racontée progressait sans trop s’éparpiller, le plaisir valait l’attente. Mais après deux gros volumes clairement en dessous des trois précédents, on est en droit de se demander où l’on va, et si Martin verra le bout de sa série de son vivant. Et même si l’on ne se le demande pas, je ne vois qu’une seule issue émotive possible à cette cinquième intégrale : la frustration.