Je découvre ce mois-ci la lecture de Hwang Sok-Yong, avec le parcours croisé d'un court roman – Monsieur Han – et d'un long – Le Vieux jardin – qui ont comme intérêt notable, l'un en face de l'autre, de disséquer l'échec d'un changement possible de la société coréenne déchirée entre des aspirations impériales trop violentes, tant socialistes que capitalistes, qui l'ont laissée tragiquement et durement éventrée.
Dans Monsieur Han, le portrait d'une sorte de Goriot du Nord qui se refuse à tergiverser avec ses quelques principes terriens permet de peindre l'impossibilité de la machine chinoise mal digérée à imposer sur l'individu un modèle. Dans Le Vieux jardin, les idéaux des personnages d'artistes et d'intellectuels s'émoussent peu à peu, comme leurs corps menacés par l'anémie et les cancers, face à la capacité de digestion infinie d'un capitalisme pro-américain particulièrement agressif qui s'accommode à merveille d'une gestion dictatoriale puis autoritariste.
Reste-t-il un espoir pour les personnages du quotidien représentés dans leurs hésitations, leurs faiblesses, leurs ambiguïtés par un auteur précis et subtil de s'arracher un petit espace de vie, quelque part autour de la plaie purulente comme une césarienne aux ciseaux qu'est le 38e parallèle ?
Rien n'est moins sûr, et plus qu'à une simple histoire de la perte de l'unicité d'un peuple, c'est à une réflexion de fossoyeur désabusé sur la mort du XXe siècle que nous convie Hwang Sok-Yong.
Les idéaux qui nous donnaient la force d'essayer de changer ce monde sont morts avec nos corps fatigués qui les hébergeaient et à peine nous montrons-nous d'expérience en mesure de saisir un peu de ce que le monde peut avoir de beauté éphémère pour en garder du moins ce suc, nous nous écroulons.
Et demain, quoi ?