Le Voleur
8.3
Le Voleur

livre de Georges Darien (1897)

Darien, c'est un peu la rencontre de Balzac et de Nietzsche, oui oui, rien que ça. Un Balzac qui reviendrait 50 ans après sa mort pour découvrir que le XIXe siècle qu'il avait laissé mal en point est devenu encore plus noir que le café qu'il buvait pour tenir le coup, et qui se mettrait à philosopher à coups de marteau afin d'écraser la bête infâme qui se repaît des pires turpitudes pour le simple plaisir de jouir sans entrave. Un Balzac qui n'essaierait même plus de trouver des excuses à ses contemporains, tellement il en a pitié.

Vitriol oui, assurément. Mais "Le Voleur" n'est pas un pamphlet, c'est un roman aux qualités littéraires impressionnantes. Darien dit tout ce qu'il pense de l'horreur que sécrètent inlassablement les hommes autour de lui, mais il le dit bien : avec - quel tour de force ! - autant de fougue que de distance. Il ne s'enferme pas dans la haine recuite que beaucoup de ses confrères en contemption croyait suffisante pour remporter le point. La haine à trop haute dose tourne à la piquette, qui saoule ceux qui la servent et lasse ceux qui la boivent. La liqueur de notre bonhomme est une boisson de roi : elle étourdit, elle emporte, elle fait rire… même si le lendemain elle laisse, évidemment, un peu triste. Mais sans gueule de bois.

Dans un monde où chacun trompe chacun, Randal le monte-en-l'air, héros désabusé mais joyeux (ou joyeux mais désabusé), s'élance tout d'abord sur le chemin d'un pas alerte, et sa plume, car c'est lui qui nous parle, est à son image : sautillante comme un beau diable. Mais toute la beauté de ces Mémoires volés, c'est qu'ils évoluent en même temps que le héros devient plus sûr de lui. Son ironie ne débande pas, mais se teinte de plus en plus souvent d'une tristesse profonde. Plus la carrière lui réussit, et plus il réalise qu'à son tour il n'est peut-être qu'un pantin. Un pantin certes plus lucide que les autres, mais pas plus heureux pour autant. Qu'il se rassure un peu, a envie de lui glisser à la fin le lecteur reconnaissant : c'est comme ça qu'on devient, au moins, un vrai héros de roman.
Chaiev
10
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le 3 sept. 2012

Modifiée

le 3 sept. 2012

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Chaiev

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