Découvrant avec plaisir l'oeuvre de Stefan Zweig à travers ses nouvelles (avant d'entamer quelques uns de ses essais), Le Voyage dans le Passé, récemment traduit dans la langue de Molière, s'est imposé, en moins d'une centaine de pages comme mon oeuvre favorite de l'autrichien.
Dans La Confusion des Sentiments ou Lettre d'une Inconnue, son style m'avait touché bien que les sujets évoqués (l'amour et la déception qui en résulte, en grande partie) ne trouvaient qu'à moitié grâce à mes yeux. Peut-être la faute à mon intérêt assez limité pour ce sentiment maintes et maintes fois abordés dans la littérature.
Pourtant, la surprise fut au rendez-vous avec ce voyage dans le passé, racontant sur une période étendue, l'amour impossible entre deux êtres dont on ne connait, au final, que peu de choses. Zweig, en fin connaisseur de l'amour, touche le fond du cœur humain, en se faisant conteur d'une passion effrénée mais difficile. Le fameux problème de la distance est évoqué de manière simple mais efficace. Ne s'évertuant pas à écrire de nombreuses lignes sur le sujet, Zweig, grâce à quelques mots, arrive à transmettre au lecteur l'angoisse mais surtout la lassitude qu'apporte ce problème. C'est sans doute une des caractéristiques principales de l'auteur : écrire peu, mais écrire de manière juste et censé. Un talent indéniable.
Le Voyage dans le Passé incorpore aussi la notion du temps, encore un sujet évoqué des milliers de fois (et souvent de manière misérable et cliché). Comment retenir le passé ? Comment survivre au passé ? Comment accepter le passé pour construire le futur ? La seconde partie de la nouvelle ne répond pas à ces questions, c'est au lecteur de se faire son propre avis. Un avis qui s'avère plutôt pessimiste (majoritaire dans l'oeuvre de l'autrichien) quand on y réfléchit. Le temps est aussi évoqué de manière "réelle", le récit étant ancré dans le Temps : la première Guerre Mondiale, où la souffrance était aussi bien physique que mental. Et c'est sûrement ce fait là qui m'a fait chaviré. L'ancrage historique est utilisé à bon escient, et non juste comme un simple besoin pour justifier quelque chose.
Nouvelle aboutie du début à la fin, Le Voyage dans le Passé s'avère être un récit fort et inébranlable, passant les affres du temps, pouvant toujours être d'actualité aujourd'hui.