Serguei Sergueïch est un anti héros, solitaire, présenté comme plutôt asocial au début, vivant dans un village Ukrainien de la zone dite grise du Donbas, avec comme seul voisin de proximité, l’un de ses ex ennemis d’école, Pachka, avec lequel il communique de façon clastique.
Il est présumé que Serguei est Ukrainien, tout au moins dans son passeport, indispensable sésame dans ce pays séparatiste, où il est dénommé Sergui Serguiovich.
L’on n’entend pas parler de nationalités, pas précisemment de conflit, de belligérants, d’une quelconque cause à tout cela, reconnue aux yeux de cet homme simple, comme ‘brumeuse’, car chez lui, le pacifisme prend la forme d’une solitude revendiquée.
On ne saura pas son âge, il se dit que la mémoire est gommée ('vieillesse n’est pas liesse'), l’on sait qu’il est pourtant très attaché aux jours qui passent, à l’instar des heures qui semblent s’égrener dans un univers baigné d’immobilité grise, tandis que l’on finira pas savoir qu’il est en retraite, et invalidité, ex agent de sécurité dans les mines, perclu de silicose...
L’on sait vite qu’il est apiculteur, possède des ruches, 6 au début, un peu moins moins à la fin (sans divulgâcher), et que celles-ci constitueront la principale trame d’une véritable odyssée mêlant poésie, onirisme et absurdité que l’auteur Ukrainien Andrei Kourkov, mène avec finesse et profondeur.
Ainsi, dans ce livre publié en 2018, dont la traduction de Paul Lequesne est parue début février 2022 (avant l'invasion russe en Ukraine), l’écrivain prend le parti d'un conte elliptique, nous plongeant dans un univers au départ sombre et silencieux, vidé de ses habitants, enfuis ou disparus... Mais de cette gangue dévitalisée issue des premières années de guerre séparatiste (nous sommes en 2017), où le gris dominera, l’intrigue se révélera étonnament lumineuse et décalée, avec des perspectives picaresques que l’auteur amènera de façon insolite, au fur et à mesure d’un road movie libertaire, où ruches voyageront dans une jigouli, de l’est Ukrainien à la Crimée.