La quatrième de couverture nous dit "Lors du commerce triangulaire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vaisseau négrier, elle était jetée à la mer. Mais en fait, toutes ces femmes ne mouraient pas. Certaines ont survécu, se sont transformées en sirènes et ont oublié cette histoire traumatique. Un jour, l'une d'entre elles, Yetu, va le leur rappeler, dans ce roman d'émancipation, magique et réflexif, sur la condition noire et sur l'impossibilité d'une justice, en l'absence de vérité. "
Encore une fois un résumé de livre nous le spoile et nous donne de mauvaises informations !
Enfait, on ne sait pas tout de suite que ce peuple de sirènes sont les descendantes de femmes esclaves sur le point d'accoucher et jetées à l'eau abominablement par les esclavagistes, et j'aurai aimé le découvrir au moment où l'auteur.ice le décide et non l'éditeur qui a écrit la quatrième de couverture.
Je m'attendais également à une histoire de vengeance, à cause du "... va leur rappeler", mais ce n'est pas cela, même si j'avoue que l'idée de sirènes noires vengeresse me plaisait bien, je n'ai pas été déçue par Les Abysses.
Nous suivons Yetu, jeune sirène qui a hérité du don maudit des "souvenances", qui fait qu'elle porte tous les souvenirs de son peuple et de leurs ancêtres "deux-jambes", les Noir.es réduites en esclavage, pour toute sa communauté, qui elle vit dans une ignorance sereine de son passé. Ce passé est si douloureux, leurs aïeules sont mortes noyées en accouchant des premières d'entre elles, les centaines d'années d'esclavage et de traîte, que le peuple des Wajinrus a décidé d'oublier et de mettre leurs souvenir dans une seule individue. Cet.te historien.ne transmet son pouvoir à sa mort, Yetu est celle de sa génération, et une fois par an elle doit rappeler à son peuple dont iels viennent et le destin de leurs ancêtres.
Mes premières impressions sont que on sent qu'on est au fond de l'océan, c'est comme si Rivers Solomon avait réussit à tamiser le son, l'ambiance est lourde et obscure, nous sommes dans un endroit où la lumière du soleil n'arrive presque pas. On est loin des barrières de coraux idylliques, il fait froid et noir, c'est les abysses. Mais ce n'est pas anxiogène pour autant, on accompagne ces sirènes qui ont l'air majestueuses dans leur habitat, elles aiment le froid, elles aiment le noir. Et on accompagne également les douleurs persistantes de Yetu, les souvenirs sont extrêmement douloureux pour elle, tellement qu'elle finit par s'enfuir.
L'univers m'a énormément plu, le fait de se servir des créatures mythologiques aussi connues que les sirènes pour porter un message militant j'ai trouvé ça génial. Y est décrit la douleur d'un passé commun, un héritage lourd a porter, ici la déportation des Noir.es africains et leur mise en esclavage aux Etats-Unis. Métaphore de l'héritage des africain.es-américain.es, descendant.es d'esclaves.
C'est donc une histoire lourde, une quête d'identité, Yetu recherche qui elle-est au delà l'histoire douloureuse de son peuple et elle fuit, part à la recherche d'elle-même.
C'est également un roman écrit par un.e auteur.e Queer et cela ce sent, les identités de genre non-conforme y sont présentes, on y trouve une relation queer, et des questions autour des sexualités.