Marie Vingtras n'est pas la première à être fascinée par le mode de vie américain, notamment dans une petite ville un peu morne "où il ne se passe jamais rien", sauf, qu'évidemment, un drame advient dès les premières pages de Les âmes féroces. Si enquête policière il y a, avec révélation du (de la ?) coupable du meurtre d'une adolescente, c'est l'atmosphère qui intéresse au premier chef la romancière, ainsi que le portrait psychologique de plusieurs habitants de la localité. Et si tout cela s'était passé dans le Lot ou dans les Vosges, est-ce que cela aurait changé quelque chose au ton du livre et à son déroulement ? Un peu sans doute, mais pas en profondeur, puisqu'ailleurs ou ici, les âmes sont tout aussi féroces, dans une communauté où tout le monde, ou presque, se connaît, et a une opinion sur ses voisins, plus ou moins éloignés. A défaut de faire montre d'un style éblouissant, Marie Vingtras possède un savoir-faire évident pour faire monter la pression, distiller des informations nouvelles au fur et à mesure et ménager le suspense. Elle a construit habilement son récit entre 4 parties, comme autant de saisons, avec des narrateurs différents, qui font avancer l'intrigue, grâce ç une belle maîtrise des couches temporelles, sans que jamais le procédé ne paraisse lourd ou systématique. Chacun ou chacune aura sans doute un témoignage "préféré", le troisième, celui de la meilleure amie de la victime, étant peut-être le plus marquant. En se servant de stéréotypes, mais en les accommodant pour les rendre originaux, voire atypiques, l'autrice réussit à nous tenir en haleine, tout en épinglant, non sans bienveillance,et avec justesse, tout ce qui caractérise notre (in)humanité.