Si je vous dis « Dany Caligula », est-ce que ça vous dit quelque chose ?
Celles et ceux qui ont suivi de près la période « vulga » de YouTube doivent certainement se souvenir de ses pastilles de philosophie nommées Doxa quand les autres le connaissent peut-être davantage pour ce duo qu’il forme désormais avec Raz404 sur Twitch.
En presque dix ans d’existence sur le net, l’individu comme le personnage public a considérablement évolué ; est passé par un certain nombre de galères et à considérablement transformé son identité comme son format, mais il y a néanmoins une chose qui n’a jamais changé chez Dany, c’est qu’il est toujours resté une figure de la gauche d’Internet.
Or moi je l’aime bien Dany Caligula. Pas parce qu’il est de gauche mais plutôt parce qu’il a toujours pris la peine de livrer, d’offrir, de partager ouvertement et sereinement ses réflexions. Et si je n’ai jamais été totalement d’accord avec lui, l’écouter me permettait toujours de me confronter à une altérité bienveillante et constructive ; une opposition enrichissante de par son approche à la fois étrangère et intime des choses…
…Enfin du moins jusqu’à ce qu’il nous parle de Houria Bouteldja.
Le 13 août 2022 – soit il y a environ un gros mois avant la rédaction de cette présente critique – Dany et son compère Raz sortaient la vidéo d’un entretien en live avec ladite Houria qu’ils ouvraient de la manière suivante : « Pour nous ça a toujours été une rencontre qu’on voulait faire parce que, quand on a lu ton livre, tu nous as mis une claque chacun. C’est un vrai tournant politique à un moment où on avait envie d’un renouveau dans les idées à gauche. »
Quand j’ai entendu ça, à moi aussi, ça a foutu une claque, me rappelant notamment celle que j’avais déjà reçue un an plus tôt de la part de Frédéric Lordon dans ses Figures du communisme quand celui-ci écrivait en conclusion de son ouvrage que cette même Houria Bouteldja était à ses yeux l’une de ces figures de gauche qui savait aujourd’hui fournir « une réponse à la fois profonde et caractéristique, ouvrant par là une base idéale à la discussion » pour bâtir une égalisation des causes…
…J’hallucinais.
J’hallucinais parce que pour moi, Houria Bouteldja, c’était surtout quelques sorties lunaires sur le plateau de Frédéric Taddei, notamment celle où elle s’était faite sèchement recadrée par Thomas Guénolé, toujours au sujet du même fameux livre ; recadrage en règles sur des propos précis dont elle avait d’ailleurs été contrainte d’en reconnaître l’existence, de les assumer, mais tout en précisant malgré tout qu’il était nécessaire de lire ledit livre pour comprendre la complexité et la précision avec laquelle elle utilisait un certain nombre de concepts.
Seulement voilà, le fait est qu’encore aujourd’hui, malgré cet épisode-là, des intellectuels de gauche viennent défendre régulièrement Houria Bouteldja pour les attaques qu’elle subit.
En janvier de l’an dernier ce n’était pas moins d’une centaine d’intellectuels et militants – parmi lesquels l’écrivain Alain Damasio, la sociologue Christine Delphy ainsi que quelques maîtres de conférences et autres professeurs d’université – qui dénonçait au travers d'une pétition « ceux qui, la main sur le cœur, accusent Houria Bouteldja de tenir publiquement des propos antisémites, alors que précisément elle pointait dans son article [publié dans les blogs de Médiapart ] les dérives antisémites […] ainsi que l’hypocrisie des puissances occidentales qui s’abstiennent de voter une résolution de l’ONU proposant de combattre le néonazisme. »
Même son de cloche dans cette tribune de juin 2017 publiée par une vingtaine d’intellectuels dans le journal le Monde et qui était intitulée Vers l’émancipation, contre la calomnie. En soutien à Houria Bouteldja et à l’antiracisme politique.. On y regrettait qu’une nouvelle fois « Houria Bouteldja [soit] la cible privilégiée des accusations les plus insensées, qui sont autant de calomnies : racisme, antisémitisme, homophobie… », précisant juste dans la foulée qu’il semblait pourtant manifeste que « ses contempteurs n’aient pas lu son livre Les Blancs, les Juifs et nous [La Fabrique, 2016] [et] se soient arrêtés à son titre sans le comprendre ou à quelques extraits cités à contre-emploi. »
Encore et toujours ce fameux livre, donc…
Les Blancs, les Juifs et nous…
De là j’en suis venu à me poser une question. Et si finalement Dany avait raison quand il disait que personne ne prenait le temps de comprendre la pensée d’Houria Bouteldja ?
…Et si finalement j’étais victime, comme beaucoup d’autres, de cet écran de fumée qu’on dressait sans cesse autour d’elle, de sa pensée et de son ouvrage et que, depuis le départ, je m’étais fait une image fausse de cette autrice ?
Il fallait que j’en ai le cœur net. Il fallait que j’aille vérifier par moi-même.
Je me suis donc plongé dans cet ouvrage sans cesse cité.
Première surprise sitôt eus-je mis la main sur cet essai : ce fut son épaisseur.
Très fin. 99 pages en tout. Si on retire la table des matières, la biblio et les références de bas de page on tombe à 83 pages soit – à vue de nez – un ensemble d’à peine 150 à 155 000 caractères, pas plus.
C’est donc à un essai très ramassé auquel on a affaire, s’articulant en six temps si on exclut l’introduction. Six chapitres dont les titres ont pour mérite d’être clairs et éloquents : « Fusillez Sartre ! » ; Vous, les Blancs ; Vous, les Juifs ; Nous, les femmes indigènes ; Nous, les Indigènes et enfin le petit dernier : « Allahou Akbar ! »
Seulement l’éloquence dans cet ouvrage, elle fonctionne clairement sur deux niveaux.
Il y a d’abord ce qui est dit – et d’ailleurs clairement dit – et qui constitue la réalité du propos d’Houria Bouteldja dans cet ouvrage. Et puis ensuite il y a la couche qui est posée par-dessus et qui permet d’embrouiller les esprits gauchistes afin que ceux-ci puissent avaler la pilule ; cette couche qui permet à Houria Bouteldja de rallier à sa cause les Dany, Damasio404 et autre Lordon ; cette couche qui va tous les convaincre du caractère féministe, progressiste, marxiste de son propos alors que pourtant – et nous allons le voir – il n’en est rien.
Mais faisons donc les choses dans l’ordre et commençons par le premier niveau de lecture : ce qui est dit.
Dans le premier chapitre – « Fusillez Sartre ! » – il est question de dénoncer une gauche blanche qui a trahi ses valeurs par faute de radicalité. Cette critique contre la gauche, elle est portée à travers la figure de Jean-Paul Sartre que l’autrice présente comme « une allégorie de la gauche française de l’après-guerre » (p.10) Car si Sartre avait eu le mérite de reconnaitre dans la préface des Damnés de la Terre de Frantz Fanon qu’ « Abattre un Européen [c’était] faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé. », reconnaissant de ce fait « que le terrorisme [était] certes "une arme terrible" mais que les opprimés n’en [n’avaient] pas d’autres » (p.8), il n’empêche que, malgré ça, il a trahi cet esprit sitôt a-t-il défendu la création de l’Etat hébreu de la « paix sioniste ».
Car oui, selon Houria Bouteldja, soutenir la création et le maintien de l’Etat d’Israël c’est « prolonge[r] le projet antisémite sous sa forme sioniste et participe[r] à la construction de la plus grande prison pour Juifs. » (p.10) Or, pour rester conforme à ses idéaux, « il aurait fallu que Sartre écrive : "Abattre un Israélien, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre." » (p.10)
La gauche blanche donc, à l’image de Sartre, a trahi l’idée même de gauche.
Elle a trahi quand elle a protesté contre la résolution de l’ONU assimilant le sionisme au racisme. (p.10)
Elle a trahi parce qu’elle « n’a pas su être radicalement traître à sa race. » (p.11)
Une vraie gauche, à l’image d’un Jean Genet, aurait dû se réjouir de la débâcle française en 1940 face aux Allemands, et plus tard à Dien Bien Phu et en Algérie, « parce que voyez-vous, la France occupée, c’était bien aussi une France coloniale, n’est-ce pas ? La France résistante, c’était bien aussi celle qui allait répandre la terreur à Sétif et Guelma un certain 8 mai 1945, puis à Madagascar, puis au Cameroun ? »
D’ailleurs Houria Bouteldja pose ouvertement la question : « Pouvait-on allègrement se réjouir de la fin du nazisme tout en s’accommodant de sa genèse coloniale et de la poursuite du projet impérialiste sous d’autres formes ? » (p.12)
…Or si la gauche blanche a trahi, pour Bouteldja, c’est surtout parce qu’elle est blanche.
Ainsi la solution est-elle martelée à plusieurs reprise : il faut « tuer le Blanc » (p.9), « liquider le Blanc. », « exterminer le Blanc ». (p.10) D’ailleurs – précise-t-elle – « le philosémitisme n’est-il pas le dernier refuge de l’humanisme blanc ? » (p.10)
…Une blanchité qu’il faut savoir néanmoins concevoir comme une culture. Houria Bouteldja elle-même se considère comme en partie « blanchie », estimant qu’elle est « avant tout une victime », qu’elle a « perdue son humanité » parce que « les Blancs étaient chez [elle], et qu’ils y sont toujours. » (p.14)
Et si elle dit respecter ces « belles idées » que sont « les droits de l’homme, l’universalisme, la liberté, l’humanisme, la laïcité, la mémoire de la Shoah, le féminisme, le marxisme, le tiers-mondisme. » ainsi que « leurs porteurs de valises » qu’elle présente comme « la cime de l’héroïsme blanc », il n’empêche que ces derniers n’en restent pas moins « les otages de la bonne conscience. Les faire-valoir de la gauche blanche. » (p.14) Une bonne conscience blanche que l’autrice dit « détester », précisant même : « je la maudis » (p.14)
Que conviendrait-il donc dès lors de faire pour un Blanc pour s’extirper de cette blanchité ; pour tuer le Blanc ?
Pour y répondre Houria Bouteldja reprend l’exemple de Genet en le présentant comme celui qui avait su « discerner la proposition invisible faite aux Blancs par les militants radicaux de la cause noire, de la cause palestinienne, de la cause du tiers-monde. Il [a su] que tout indigène qui se dresse contre l’homme blanc lui offre dans le même mouvement la chance de se sauver lui-même. Il [a] devin[é] que derrière la résistance radicale de Malcolm X, il y a[vait] son propre salut. » (p.12)
Trouver le salut pour un Blanc, selon Houria Bouteldja, c’est donc accepter qu’un indigène se dresse contre lui.
C’est d’ailleurs plus ou moins la proposition qu’on retrouve développée dans le chapitre suivant intitulé « Vous, les Blancs ».
Dans ce deuxième chapitre, Bouteldja entend exposer ce qui constitue le problème central des Blancs. Et le problème central des Blancs, c’est qu’ils sont persuadés qu’ils sont Dieu. (p.17)
L’autrice entend se justifier en s’appuyant sur le « je » cartésien. Ce « je », qu’il ne serait « pas concevable d’extraire de son contexte d’énonciation », est un « "je" conquérant. Il est armé. Il a d’un côté la puissance de feu, de l’autre, la Bible. C’est un prédateur. Ses victoires l’enivrent. "Nous devons nous rendre maîtres et possesseurs de la nature", poursuit Descartes. Le "je" cartésien s’affirme. Il veut défier la mort. C’est lui qui désormais occupera le centre. […] Je pense donc je suis celui qui décide, je pense donc je suis celui qui domine, je pense donc je suis celui qui soumet, qui pille, qui vole, qui viole, qui génocide. Je pense donc je suis l’homme moderne, viril, capitaliste et impérialiste. Le "je" cartésien va jeter les fondements philosophiques de la blanchité. Il va séculariser les attributs de Dieu et les transférer vers le dieu Occident qui au fond n’est rien d’autre qu’une parabole de l’homme blanc » (p. 17)
Ainsi faisant, Bouteldja pose-t-elle le pillage, le vol, le viol et le génocide comme des éléments ontologiques d’une blanchité qui s’est construite fondamentalement sur la conquête de l’Amérique ; blanchité dont les attributs sont transférés au sein du dieu Occident.
De là, du point de vue d’Houria Bouteldja, il convient d’arracher aux Blancs leur « victoire ultime » : ce « visage de l’innocence » (p.18)
Ainsi convient-il d’arrêter de voir des anges blancs comme neige qui n’ont rien faits parmi les victimes du 11 septembre 2001 (p.19), ainsi convient-il de se délecter quand Mahmoud Amadinedjad déclare « il n’y a pas d’homosexuel en Iran » parce que ça raisonne en écho à « il n’y a pas de torture à Abou Ghraib » (p.21)
C’est ce qui ferait de cette blanchité « une forteresse inexpugnable » dont « tout Blanc » serait « le bâtisseur » (p.23) Une blanchité « conçue pour affronter toutes sortes de défis et pour résoudre toutes sortes de contradictions » et dont « la pièce maitresse » serait l’humanisme. (p. 23)
De ce fait, Houria Bouteldja ne peut parler que des Blancs en vous : « Je n’ai jamais pu dire "nous" en vous incluant. Vous ne le méritez pas. » (p.18) Car même si l’autrice peut concéder volontiers que « vous n’avez pas choisi d’être Blancs », il n’empêche que « la bourgeoisie a inventé une communauté d’intérêts entre elle et vous, ou vos ancêtres si vous voulez. C’est ainsi que progressivement, en s’institutionnalisant, la race blanche a été inventée. » C’est ainsi que les Blancs ne sont pas « vraiment coupables, [mais] juste responsables. » (p.26) Néanmoins, en ne voulant pas « renoncer à l’infinité des privilèges de la domination coloniale. [Ces] privilèges [étant] matériels, statutaires, institutionnels, politiques, symboliques » parce que « vous avez peur mais vous tenez à votre confort » cela rend par conséquence le pêché blanc « tout à fait voulu » (p.25)
Partant de ce constat-là – c’est-à-dire d’un constat de « conflit d’intérêts entre races aussi puissant et aussi structuré que le conflit de classe. » (p. 26) Houria Bouteldja n’entend s’adresser qu’aux deux catégories de Blancs qui l’intéressent : les prolos et chômeurs qui « glissent inexorablement du communisme vers l’extrême droite » et les « révolutionnaires qui ont conscience de la barbarie qui vient. »
Elle leur déclare : « Votre patriotisme vous force à vous identifier à votre Etat. Vous fêtez ses victoires et pleurez ses défaites. Mais comment faire histoire ensemble quand nos victoires sont vos défaites ? Si nous vous invitions à partager l’indépendance algérienne et la victoire de Dien Bien Phu avec nous, accepteriez-vous de vous désolidariser de vos états guerriers ? » (p.28)
Dit autrement ce que Houria Boutelja attend des Blancs c’est qu’ils reprennent les mots de Jean Genet qu’elle cite page 25 : « je suis ravi quand les Blancs ont mal. »
…Et si ces propos vous indisposent ou vous choquent, je vous préviens, j’en arrive au moment d’aborder la partie intitulée « Vous, les Juifs »…
Car les Juifs ont eux aussi eu droit, dans l’essai d’Houria Bouteldja, à un vous plutôt qu’un nous. Et pourquoi cela, me demanderiez-vous ? …Eh bien tout simplement parce que « on ne reconnaît pas un Juif parce qu’il se déclare Juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité » (p. 30)
S’appuyant sur Georges Perec, elle reproche aux Juifs de douter sur ce qui est constitutif d’eux et que c’est « ce doute qui vous fait internationalistes. C’est ce doute qui vous fait sionistes. Et [que] c’est ce même doute qui vous fait apologistes du mythe républicain. » (p.31)
Car c’est bien là la triple-faute des Juifs pour Houria Bouteldja : être sionistes (donc racistes), de servir de « légitimité morale du monde blanc » mais également de « sous-traiter le racisme républicain » en France.
« Puis-je me permettre de penser qu’en votre sein, c’est la part amoureuse du monde blanc qui vous a poussés à signer ce pacte avec le diable » précise-t-elle, toujours à la page 31…
…Avant de renchérir quelques pages plus tard : « mais ce qui vous fera définitivement chavirer c’est l’amour de vous-mêmes. […] [et] aussi, l’insoutenable instrumentalisation de leur calvaire à des fins idéologiques qui aujourd’hui constitue la colonne vertébrale du nationalisme israélien. […] Le philosémitisme […] tout comme le paternalisme [des Blancs envers les juifs] […] sont deux formes du racisme républicain qui en fait ne sont que des compromis entre le racisme radical de l’extrême droite et la préservation de l’État-nation blanc. » (p.39)
Pour le reste du chapitre les Juifs sont qualifiés de « dhimmis du régime républicain », ayant accepté « le pacte racial de la République » ; de « peuple tampon » entre « les Blancs, corps légitime de la nation » et le nous bouteldjien ; de « tirailleurs de l’impérialisme sous sa forme sioniste ». (p.32)
Il convient dès lors de remettre les Juifs à leur place : « Pour le Sud, la Shoah est – si j’ose dire – moins qu’"un détail". Elle n’est même pas dans le rétroviseur. Cette histoire n’est pas mienne en vérité et je la tiendrai à distance tant que l’histoire et la vie des damnés de la terre resteront elles aussi "un détail". C’est pourquoi, je vous le dis en vous regardant droit dans les yeux : je n’irai pas à Auschwitz. » (p.34)
…Mais comme pour les Blancs, Houria Bouteldja offre aux Juifs un portrait d’eux tel qu’elle pourrait les respecter : « Pourtant, vous avez résisté longtemps. dit-elle. "L’horloge, c’est le Juif errant. Écoutez ce pas boiteux, et lent, et fatigué, qui ne s’arrête jamais". » (p.33) Cette citation qu’elle emprunte à Jules Renard pose l’image du bon Juif : pauvre.
…Pauvre et… Musulman !
…Parce qu’en effet, le vrai problème c’est « que la France vous a faits Français [aux temps de l’Algérie française] pour vous arracher à nous, à votre terre, à votre arabo-berbérité. Si j’osais, je dirais à votre islamité. » (p.33-34)
Malgré tout, il est peut-être déjà trop tard pour les Juifs de chercher à obtenir la rédemption de la grande Houria : « Vous avez laissé un vide que nous ne pourrons plus combler et dont je suis inconsolable. Votre altérité se radicalise et votre souvenir s’estompe. » (p. 34) Parce qu’en effet les Juifs ont beau être des « non-Blancs insolubles » qu’ils n’en restent pas moins « étrangers parce que blanchis » Dès lors le bilan adressé aux Juifs par Houria Bouteldja est sans appel : « nous ne sommes pas situés au même niveau dans l’échelle des oppressions. Par conséquent, il y a conflit d’intérêts entre nous. » (p.39-40) »
Malgré tout, se voulant optimiste, l’autrice ouvre la possibilité de faire un « bout de chemin ensemble » : « que cela vous plaise ou pas, l’antisionisme sera, avec la mise en cause de l’État-nation , le lieu principal du dénouement. Il sera l’espace de la confrontation historique entre vous et nous, l’opportunité pour vous d’identifier votre véritable ennemi. […] L’antisionisme sera aussi l’espace de la confrontation historique entre vous et les Blancs » (p.40)
Ça vous semble sec ?
Attendez encore un peu… Il me reste à vous parler des chapitres consacrés aux femmes indigènes, aux Indigènes, et à l’ allahu akbar…
Tout d’abord, dans « Nous, les femmes indigènes », Houria Bouteldja donne tout de suite le ton dès la première phrase : « Mon corps ne m’appartient pas. Aucun magistère moral ne me fera endosser un mot d’ordre conçu par et pour des féministes blanches ». (p.44)
Pour illustrer son propos elle évoque un rite de scarification qu’on lui a imposé dans l’enfance et qui témoigne de son appartenance « à [s]a famille, à [s]a race, à l’Algérie, à l’islam », mais qui est condamné en France. De là Bouteldja en déduit le raisonnement suivant : « La France est très forte. Elle a déclaré la guerre à mes parents. La bataille est rude. Elle veut leur arracher mon corps, le coloniser. » (p. 45)
Et à partir de cette idée de colonisation indigène, l’autrice en vient à condamner les relations intercommunautaires, fustigeant les Blancs qui draguent des « sœurs » et qui s’étonnent qu’on leur en fasse le reproche. « T’arrives, tu leur dérobes leurs femmes et ils te gratifient d’un "merci bouana". Purée ! » (p.45) […] « Il ignore qu’il s’adresse à un adversaire, un ennemi redoutable qui défendra son bien. Et c’est ce que fera le mâle indigène » (p.46)
De là, l’homme indigène est légitimé à défendre « ses intérêts d’hommes » en clamant notamment : « nous ne sommes pas des pédés ! » (p.46), quant à la femme indigène, elle est invitée à prendre ses distances à l’égard du « prince charmant blanc » lequel peut devenir source de désillusion qui coûte à la femme : « la rupture familiale, la stigmatisation de leur mère coupable de les avoir "mal éduquées", la honte qui rejaillit sur tous mais aussi la culpabilisation, et en prime, la mauvaise réputation. » Bouteldja ne manque d’ailleurs pas de rappeler le nombre de suicides parmi ses sœurs, parce que celles-ci « ont été prises dans le feu de la bataille » ; suicides dont il convient donc d’attribuer manifestement l’entière responsabilité à cette guerre que lancent les Blancs sur les hommes indigènes par la colonisation de leurs femmes. (p.47)
D’ailleurs, plus que résister aux charmes du Blanc, il est même carrément demandé aux « sœurs » de faire passer les intérêts de la communauté avant leurs intérêts d’individus et de femmes, notamment en ne portant pas plainte lorsqu’on a subi un viol dont l’auteur est un membre de la communauté. Pour se justifier sur ce point, Houria Bouteldja cite notamment un cas survenu aux Etats-Unis : « À la question "pourquoi n’avez-vous pas porté plainte", la victime noire d’un viol répond à l’interviewer, lui-même noir : "Je n’ai jamais porté plainte parce que je voulais vous protéger. Je ne pouvais pas supporter de voir un autre homme noir en prison ." » (p.57). Elle s’appuie également sur une citation d’Assata Shakur à laquelle elle dit adhérer : « Nous ne pouvons pas être libres tant que nos hommes sont opprimés. » (p.51)
De toute manière, pour Houria Bouteldja, le féminisme n’est ni « universel », ni « intemporel », ni « un passage obligé pour prétendre à la libération, à la dignité et au bien-être » (p.53) Au contraire, le féminisme occidental étant à resituer dans ce moment géopolitique précis qu’est celui de « l’expansion capitaliste et coloniale » (p.54) , il est donc à considérer comme faisant « effectivement partie des phénomènes européens exportés » (p. 56) et face auxquels les femmes indigènes se doivent de résister.
Pour s’en convaincre il suffit d’ailleurs de constater comment les féministes blanches « se mettent en rangs serrés pour dénoncer sans appel des violences faites aux femmes de banlieues, quand l’auteur est noir ou arabe. » (p.48), comment elles « se sont-elles laissé[es] enrégimenter dans cette union sacrée contre les mecs de banlieues » (p.50). Houria Bouteldja nous demande d’ailleurs – par l’intermédiaire de ses sœurs à qui elle s’adresse – si nous avions remarqué « l’émotion qui s’empare d’un démocrate blanc lorsqu’un banlieusard déclare son homosexualité devant micros et caméras[.] Entendre un lascar faire son coming out : un kiff de blanc civilisateur, un aboutissement pour l’indigène retardataire. Car pour un khoroto, faire de sa sexualité une identité sociale et politique, c’est entrer dans la modernité par la grande porte. Le Blanc est au bord de l’extase. […] J’en ai marre de ces héros à deux balles. Mais le démocrate blanc entre en transe. Quand il rencontre ce personnage improbable, il est secoué de spasmes, d’une envie irrépressible de l’embrasser, de le serrer dans ses bras et de communier avec lui. Grâce à cette conversion inespérée, il a accompli sa mission civilisatrice. Il vient de remporter une victoire miraculeuse contre un ennemi qui le tétanise et le nargue : la redoutable et insolente virilité islamique. » (p.49-50)
Elle enchérit un peu plus loin : « Il faut arrêter de se raconter des histoires. Les Blancs, lorsqu’ils se réjouissent du coming out du mâle indigène, c’est à la fois par homophobie et par racisme. Comme chacun sait, "la tarlouze" n’est pas tout à fait un "homme", ainsi, l’Arabe qui perd sa puissance virile n’est plus un homme. Et ça c’est bien. C’est même vachement bien. Et puis, c’est tellement rassurant [pour les Blancs]. » (p.50)
Car l’enjeu du combat est aussi là : dans la préservation de la virilité qui fait aujourd’hui la force de l’islam. Et face à cela, les femmes ont un rôle à jouer, quitte à devoir en endurer les conséquences.
Il faut d’ailleurs que les femmes indigènes incitent leurs hommes à ne pas céder aux valeurs blanches qui les pervertissent car « sous la pression, certains hommes de chez nous enfilent un masque blanc. Ils le portent mal. Fatalement, il les défigure. S’interrogent-ils sur leur violence envers nous ? Tu parles. Ils sont laids parce qu’ils n’abdiquent leur virilité que pour plaire aux Blancs. Pas parce que nous subissons leur violence. Ils abdiquent devant le pouvoir. […] Quand les hommes de chez nous se réforment sur injonction des Blancs, ce n’est pas bon pour nous. » (p.48)
En conséquence, si féminisme il doit y avoir chez les Indigènes ce doit être un « féminisme décolonial » ; un féminisme qui « ne peut pas ne pas prendre en compte ce "trouble dans le genre" masculin indigène car l’oppression des hommes rejaillit immédiatement sur nous. Oui, nous subissons de plein fouet l’humiliation qui leur est faite. La castration virile, conséquence du racisme, est une humiliation que les hommes nous font payer le prix fort. » (p.58)
…Et ce féminisme-là est d’autant plus indispensable que sinon on obtient DAESH : « l’Occident colonial croyait anéantir la puissance virile de nos hommes. Il l’a démultipliée à son image. Aujourd’hui, elle nous explose à la gueule non sans la complicité active de certaines de nos petites sœurs, pourtant programmées pour devenir des beurettes mais qui à l’appel du "djihad" répondent : présentes ! Lorsque leurs frères partent sauver l’honneur perdu, elles les suivent et, avec eux, réinventèrent un modèle de famille mythifié où les rôles sont naturalisés mais sécurisants : les hommes font la guerre, les femmes, les enfants. Les hommes, ces héros, les femmes, ces Pénélopes loyales qui signent par là la faillite d’un progressisme qui a vécu sans partage, un progressisme faussement universel mais vraiment blanc qui n’a eu de cesse de vouloir les domestiquer et leur cacher l’avenir : "Non, nos hommes ne sont pas des pédés !" nous disent-elles. La boucle est bouclée. » (p.59-60)
C’est d’ailleurs au sortir de cette boucle que Houria Bouteldja aborde son pénultième chapitre, s’adressant aux Indigènes de manière plus large…
…Un chapitre dont une bonne partie se contente d’enchainer les exemples de souffrance subis par les Indigènes face à la dictature des Blancs et autres blanchis : c’est Josie Fanon qui se suicide après les exactions commises sur la foule par le régime algérien ; c’est Felix Mounié dont on profane la sépulture ; c’est sa veuve – Marthe – qui sera assassinée puis violée « dit-on » par le pouvoir. C’est la moujahida Djamila Bouhired, qui meurt faute de soins payés par l’Etat algérien. C’est le martyr Larbi Ben M’hidi dont le régime laisse la maison partir en lambeau. (p.62-63) Ce sont les valeurs de la République que les immigrés algériens n’ont jamais connues. (p.65) Ce sont toutes ces chansons qui disent à quel point un immigré reste un déraciné : ni d’ici car « je ne suis pas d’ici […] France qu’a tu fais de moi ? », mais ni de là-bas nous plus car « l’Algérie nous a trahis. Elle ne nous a offert aucune perspective malgré le rêve de nos parents d’y retourner. » (p.68-69)
D’après Houria Bouteldja, il est fondamental que les Indigènes comprennent qu’ils ne sont pas des Français comme les autres ; des Français solubles : « Aujourd’hui, c’est risible parce que nous commençons à comprendre que nous sommes insolubles dans l’identité blanche et chrétienne mais aussi parce que le projet égalitariste n’est qu’un projet intégrationniste qui ambitionne de faire de nous des Français "comme les autres" dans le cadre de la nation impérialiste. » (p.71)
En conséquence, comment sortir de ce statut de « mendiant » à l’égard des « tuteurs » blancs ? (p.72) Eh bien la réponse est toute formulée dès la page suivante : « Nous serons des mendiants tant que nous ne nous accepterons comme universels les clivages politiques qui divisent le monde blanc et au travers desquels ils envisagent les conflits sociaux et les luttes que ceux-ci engendrent. […] Décidons de ne pas les imiter, d’inventer et de nous sourcer ailleurs. Ils nous disent 1789. Répondons 1492 ! » (p.73)
La solution est dans l’adoption du point de vue d’un indigène ; un point de vue qu’elle présente comme similaire à celui des Indiens d’Amérique : « Contrairement aux gauches blanches qui expliquent le monde à partir de ce qu’elles appellent l’expansion capitaliste de l’Europe vers les Amériques, les Indiens disent que ce n’est pas seulement un système économique qu’ils ont vu déferler sur eux, mais une globalité caractérisée par le capital, la domination coloniale, l’état moderne et le système éthique qui leur est associé, c’est-à-dire une religion, une culture, des langues. En d’autres termes, en 1492, ce qui s’impose aux Amériques, c’est moins un système économique qu’une civilisation : la Modernité. » (p.73)
L’émancipation des Indigènes passera donc par là. Non pas seulement par le rejet du capitalisme mais par le rejet de toute la civilisation européenne et sa définition de la modernité. Et ce combat il passe donc d’abord par l’abandon des mots des Blancs.
« Les mots. Il y a leurs mots. Et il y a nos mots. Nos mots ont des vertus magiques. Ils nous déshypnotisent et nous délivrent des héritages venimeux. » Ainsi ne faudra-t-il n’apprendre à penser qu’à travers les mots « Indigène », « Blanc », « race sociale », « champ politique blanc », « colonialité du pouvoir », « Puissance indigène », « majorité décoloniale ». Aussi, quand les Blancs diront « expansion capitaliste donc lutte des classes sociales », il faudra répondre « expansion coloniale donc lutte des races sociales. » (p.73)
De là pourra commencer la véritable réponse politique au monde blanc : « Ce jeu sera politique ou ne sera pas. Indigènes de la [R]épublique, nous le sommes en France, en Europe, en Occident. [Mais] pour le tiers-monde, nous sommes blancs. […] Avec les sujets coloniaux des métropoles coloniales nous formons ce groupe des damnés de l’intérieur, à la fois victimes et exploiteurs. Il serait malséant de nous confondre avec le grand Sud car il y a objectivement conflit d’intérêts entre eux et nous. [Les] peuples du Sud doivent cesser de regarder vers le Nord et privilégier des alliances Sud/Sud. S’il est vrai que les conflits d’intérêts, fractures et divisions (entre États-nations, ethniques, religieux, de genre, de couleur) sont nombreux chez eux, il existe une unité de condition de la majorité des peuples du Sud […] Quant à nous, nous formons une unité historique et sociale dans le Nord. Il ne tient qu’à nous d’en faire une unité politique. […] Cette unité brisée, on peut imaginer que le peuple colonisé puisse la reconstituer et intégrer ses nouvelles expériences, donc de nouvelles richesses, dans le cadre d’une nouvelle unité qui ne sera pas l’unité ancienne mais qui sera cependant une unité. Renouer avec Bandung et recréer une espèce de Tricontinentale à l’intérieur de l’Occident [.] » (p.74-75)
…Et quel sera le ciment de cette nouvelle unité ? Voilà enfin le moment idéal pour aborder et comprendre le chapitre conclusif de ce livre : « Allahu akbar ! »
Dans cette conclusion, le message a le mérite d’être limpide.
Puisque la modernité blanche est l’ennemie et que « la Révolution française est la mère de toutes les révolutions modernes » il convient de marcher à contre-courant de son œuvre. Et puisque celle-ci a voulu faire « table rase de toute transcendance, au point que laïcité fini[sse] par se confondre avec impiété collective et neutralité de l’[E]tat avec athéisme d’[E]tat » (p. 80), puisque pour un Français blanc, un Français musulman est « une énigme […] à qui on a offert les Lumières sur un plateau d’argent mais qui s’obstine à se tourner vers La Mecque » (p.81), alors l’unité nouvelle doit se fonder sur la transcendance. Sur la religion.
…Sur l’islam.
« Et si [l’immigré] avait une autre utilité ? Celle, par exemple, de transporter avec lui et de conserver la mémoire des sociétés solidaires, où la conscience collective est forte et où chacun se sent responsable du groupe. Celle de résister à l’atomisation de la société, à l’individualisme forcené. Celle de protéger l’individu contre la vie nue, en lieu et place du "chacun pour soi". On aura tout dit de l’islam et du "communautarisme" sauf cette évidence aveuglante qui en est pourtant le fondement. […] De sa foi, l’indigène tire sa puissance. L’immigré est un homme politique qui s’ignore. Il est un guide. Ses intuitions sont puissantes et son instinct de survie aiguisé. Aux mirages d’une civilisation qui a enfanté l’homme nucléaire, aux deux sens du terme, de là où il se situe, de là où il a été assigné – la place de l’Autre radical –, à celui qui prétend concurrencer Dieu, il répond : Allahou akbar ! Et il ajoute : Il n’y a de Dieu que Dieu. » (p. 82)
D’ailleurs Houria Bouteldja ne manque pas de noter que c’est du « complexe de vanité » des Blancs que « sont nées les théories blasphématoires de la supériorité des Blancs sur les non-Blancs, de la supériorité des hommes sur les femmes, de la supériorité des hommes sur les animaux et la nature. » (p.82) et que la réponse spirituelle est la seule qui soit véritablement universelle. (p.83) En conséquence, il faut que ce cri – Allahou Akbar ! – « terrorise les vaniteux » car « son potentiel égalitaire est réel : remettre les hommes, tous les hommes, à leur place, sans hiérarchie aucune. Une seule entité est autorisée à dominer : Dieu. Ainsi, les Blancs rejoignent leur place aux côtés de tous leurs frères et sœurs en humanité : celle de simples mortels. On peut appeler ça une utopie et c’en est une. Mais réenchanter le monde sera une tâche ardue. » (p.84)
Ce ne sera donc que lorsque tout le monde se sera plié à l’autorité et à la puissance d’Allah que pourra alors se poser « la question du grand NOUS. Le Nous de notre rencontre, le Nous du dépassement de la race et de son abolition, le Nous de la nouvelle identité politique que nous devrons inventer ensemble, le Nous de la majorité décoloniale. » (p.88)
…CQFD.
Voilà donc ce que dit Houria Bouteldja dans son Les Blancs, les Juifs et nous.
Voilà, en substance, ce qu’est vraiment le discours d’Houria Bouteldja.
Donc oui, Dany, Houria Bouteldja dit bien que célébrer les homosexuels de la communauté d’en-face, c’est une manière de l’affaiblir en s’attaquant à sa puissance virile. Que penses-tu de ça au juste ? Est-ce que du coup ça te permet de porter un regard nouveau sur ses motivations à répondre de manière enjouée à tes invitations ?
Et donc oui, Frédéric, Houria dit bien aussi que le combat communautaire doit passer avant toutes les autres luttes et que ce n’est que lorsque l’islam aura triomphé qu’on pourra enfin commencer à parler d’égalisation hommes-femmes voire d’autres égalisations. Est-ce que tu es toujours aussi sûr qu’il s’agit de la meilleure base qui soit pour bâtir cette égalisation de toutes les causes que tu prônes tant ?
…Est-ce vraiment les autres qui ont mal lu ce livre ou bien est-ce que, vous deux aussi, vous n’en auriez pas survolé quelques chapitres ?
Alors j’en imagine peut-être certains hurler à la manipulation ; me reprochant des sélections, des coupes, des raccourcis dans le propos de Houria Bouteldja ; fustigeant ma présentation de certains passages sans avoir pris la peine d’expliquer le sens « complexe » et « précis » avec lequel elle entendait employer ces mots, etc.
…Et d’un certain point de vue ils n’auraient pas totalement tort de le faire. Car oui, il est vrai que je me suis permis d’élaguer les propos de ce Les Blancs, les Juifs et nous au détriment de pas mal de complexité. Mais si je l’ai fait c’est justement parce que cette fameuse complexité constitue tout le deuxième niveau de lecture de Bouteldja ; celui qui permet de faire buguer le logiciel de pensée gauchiste afin de lui faire avaler n’importe quoi.
A dire vrai, la méthode n’a rien d’extraordinaire, et si elle ne marche pas sur tout le monde c’est justement parce qu’elle a été pensée sur mesure pour une cible précise : les libéraux libertaires.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que Houria Bouteldja cite Sartre et Genet à tour de bras. Elle est passée par les facs de lettres et de sciences sociales françaises, elle a côtoyé les milieux syndicaux étudiants et elle connait leur mode de pensée par cœur (pour d’ailleurs l’adopter en grande partie.)
Elle connait les tenants et aboutissants de cette pensée hydroponique qui n’a jamais su – lors de ces dernières décennies du moins – pousser autrement qu’à la lumière artificielle des amphithéâtres occupés. Elle sait que cette pensée est pétrie de contradictions ; contradictions entretenues par des individus se nourrissant d’une pensée de lutte ouvrière alors qu’eux-mêmes sont pour la plupart des enfants d’une petite bourgeoisie qui n’a connu que pour seul rapport de subordination ceux imposés par leurs parents et leurs profs.
De cette décorrélation presque totale entre d’un côté le matériel théorique adopté et de l’autre les conditions sociales qui pourraient permettre de l’éprouver, la pensée libérale-libertaire d’université ne peut que tendre vers une forme d’abstraction, au point qu’à force d’être avalée et recrachée, elle finisse par être remodelée dans le but d’émousser au mieux certaines contradictions. Chez les libertaires, par exemple, ce remodelage jouera surtout sur des mots tels que « propriété », « autorité », « ordre », « État » ou « hiérarchie ».
Et d’ailleurs, sitôt un libertaire se retrouve-t-il empêtré dans une discussion avec quelqu’un qui s’en tient aux usages conventionnels des mots qu’égaré il sera contraint d’invoquer les grandes figures tutélaires de la pensée libertaire pour justifier de la plus grande pertinence de ses propres usages…
…Or c’est exactement de ça dont joue ici Houria Bouteldja durant tout son ouvrage. Pour amener le chien à manger malgré lui son somnifère, elle l’enfonce dans une grosse saucisse afin que celui-ci soit avalé avec entrain et sans réfléchir.
Quand Houria Bouteldja dit qu’ « Abattre un Israélien, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé » (p.10) elle s’appuie sur Sartre et sur Genet.
Quand elle déclare que « la vie d’un homme compte peu, [que] ce qui compte c’est l’Algérie [et] son avenir » elle cite Fernand Iveton. (p.7)
Quand elle emploie le mot « aryen » c’est toujours parce que c’est Sartre qui l’a utilisé (p.9).
Quand elle se permet de déclarer que les « Juifs sont fascinés par les Chrétiens » c’est encore une fois parce que Sartre l’a dit avant elle…
Quand elle évoque « le doute juif » qui les rendraient tous sionistes, elle s’appuie sur Georges Perec (p.31).
Quand elle affirme que le péché des Blancs est « tout à fait voulu », c’est à nouveau à travers les mots de Genet que Bouteldja parle (p.25).
Quand elle clame « déteste[r] les Juifs », c’est bien en précisant juste derrière « …ils me rappellent les Arabes » afin de paraphraser un juge israélien, Moshe Landau. (p.30)
Et quand elle entend justifier l’écriture de son livre, elle cite Gramsci. (p. 16)
Ce procédé du somnifère dans la saucisse ne fonctionne d’ailleurs pas qu’avec des noms d’auteurs, il peut aussi fonctionner en associant une idée que Houria Bouteldja sait être clivante avec une autre qui l’annule ou la valorise.
Ainsi module-t-elle sa « détest[ation] de la conscience blanche » et le fait qu’elle la « maudisse » par le fait qu’elle ait précisé juste avant qu’elle-même était « blanche. » (p.31) Et quand bien même cette affirmation d’une Houria blanche sera-t-elle contredite quelques lignes plus tard, qu’à l’instant t l’association aura permis l’annulation.
Elle peut aussi parler « d’intimité » avec Hitler parce qu’elle présente cette intimité construite « sur les bancs de l’école républicaine. » tout comme pour avec Anne Frank. (p.36) De la même manière qu’elle peut présenter la Shoah comme « moins qu’un détail » de l’Histoire, sous prétexte que son cousin du bled ne connaissait rien de toute l’Histoire de la Seconde guerre mondiale (p.36).
Ainsi peut-on soudainement parler d’intimité avec Hitler, de détail de l’Histoire concernant la Shoah et de dhimmis de la République sans que ça ne soulève un sourcil de libertaire. La méfiance est endormie. Les expressions deviennent entendables et acceptables, presque normalisées.
Le procédé est finalement le même quand il s’agit de dire d’Ahmadinejad qu’il est son « héros » et que sa phrase « Il n’y a pas d’homosexuels en Iran » est « une œuvre d’art » (p.19). Tout de suite derrière il est bien précisé que « Je ne suis pas homophobe et je n’ai pas de sympathie particulière pour Ahmadinejad. »…mais parce que cela se passe « dans une université réputée de gauche, sans doute à la pointe de la pensée progressiste » cela confère à la scène une « esthétique »
« Que dit Ahmadinejad ? Il ne dit rien. Il ment, c’est tout. Il ment en toute honnêteté. Et c’est énorme. En mentant, et en assumant son mensonge devant une assemblée qui sait qu’il ment, il est invincible. À l’affirmation "Il n’y a pas de torture à Abou Ghraib", répond l’écho : "Il n’y a pas d’homosexuels en Iran." La rhétorique persane à l’usage des progressistes blancs fait mouche. Les deux mensonges s’annulent, la vérité éclate. »
…Une dernière phrase qui en dit pour moi très long sur les procédés rhétoriques de Bouteldja. Opposer les mensonges pour les annuler.
C’est d’ailleurs ce qu’elle fait quand elle dit qu’elle n’est pas homophobe et qu’elle n’admire pas particulièrement son héros Ahmadinejad, parce que dans les faits, des pensées homophobes, Bouteldja en nourrit bien et j’en veux pour preuve cette phrase que j’ai déjà citée et que Thomas Guénolé avait renvoyée à la face de son autrice lors de cette fameuse émission Ce soir (ou jamais) de Frédéric Taddei : « comme chacun sait, "la tarlouze" n’est pas tout à fait un "homme", ainsi, l’Arabe qui perd sa puissance virile n’est plus un homme. »
Par rapport à cette phrase, Houria Bouteldja avait exigé qu’on aille lire son ouvrage afin de juger avec quelle précision elle utilisait ses concepts. Or quand on remet cette phrase dans son texte global, on obtient ça : « Il faut arrêter de se raconter des histoires. Les Blancs, lorsqu’ils se réjouissent du coming out du mâle indigène, c’est à la fois par homophobie et par racisme. Comme chacun sait, "la tarlouze" n’est pas tout à fait un "homme", ainsi, l’Arabe qui perd sa puissance virile n’est plus un homme. Et ça c’est bien. C’est même vachement bien. Et puis, c’est tellement rassurant. Il va sans dire que le message sera capté cinq sur cinq de l’autre côté du périphérique aussi, on ne s’étonnera pas de la compétition viriliste et homophobe qui s’installera dans le camp d’en face et qui prendra un plaisir vicieux à surjouer une sexualité fabriquée par le regard colonial dans cette guerre sournoise que se livrent des forces antagoniques et irréductibles. »
Alors oui, c’est vrai, conformément à son procédé habituel d’enfumage, Houria Bouteldja présente la phrase « la tarlouze n’est pas tout à fait un homme » comme n’étant pas son point de vue personnel mais plutôt celui d’un Blanc qu’elle qualifie elle-même d’homophobe… Seulement il n’empêche que, dans la foulée de cette phrase, sitôt explique-t-elle sa mécanique de « compétition viriliste », qu’Houria Bouteldja valide pleinement le fait que l’homosexualité soit bien une attaque portée à la virilité, et donc à la masculinité des hommes. Et ce n’est pas parce qu’on accuse juste derrière les Blancs d’être responsables de cette surenchère que ça n’en efface pas moins la nature du raisonnement qui est tenu.
Non, Houria Bouteldja : deux mensonges ne s’annulent pas. Ils s’additionnent.
Ce qui est d’ailleurs très intéressant et révélateur de cette mécanique du discours indigéniste, c’est qu’alors que Houria Bouteldja réclamait chez Taddei qu’on la lise avec précision, une consœur – Maboula Soumahoro – avait émis comme ligne de défense qu’il « faudrait [d’abord] commencer par les définitions qui sont proposées par Houria Bouteldja quand elle parle que ce soient des Indigènes, quand elle parle des femmes indigènes [et] quand elle parle des Blancs. Et je pense qu’il est important, par honnêteté intellectuelle, de parler de cette identité blanche qui est présentée de manière assez problématisée, c’est-à-dire qu’on ne parle pas des individus blancs mais d’un système et d’une structure. »
…Or c’est vrai qu’en introduction de l’ouvrage, Houria Bouteldja apporte bien cette précision-là, telle une parade de libérale-libertaire à destination des autres libéraux-libertaires : « les catégories que j’utilise : "Blancs", "Juifs", "Femmes indigènes" et "indigènes" sont sociales et politiques. Elles sont des produits de l’histoire moderne au même titre qu’ "ouvriers" ou "femmes". Elles n’informent aucunement sur la subjectivité ou un quelconque déterminisme biologique des individus mais sur leur condition et leur statut. » (p.7)
…Ainsi donc ce serait à nous d’être vigilants. Quand Bouteldja parle des Blancs, elle parle bien de catégories sociales, pas de races déterminées biologiquement.
…Seulement, moi je pose une question toute bête par rapport à ça : « c’est quoi un Blanc en tant que catégorie sociale ? »
…Parce que Maboula Soumahoro a beau insister sur la nécessité impérieuse de commencer par définir ces catégories que Houria Bouteldja ne le fait pas ; à aucun moment de son ouvrage. Jamais.
Dès lors il faut déduire ces définitions en fonction de ce qui est dit. Alors certes, il est bien dit à la page 74 que « La blanchité n’est pas une question génétique. Elle est rapport de pouvoir. » Une construction sociale qui semble correspondre à cette autre affirmation faite page 26 : « La race blanche a été inventée pour les besoins de vos bourgeoisies en devenir car toute alliance entre les esclaves pas encore noirs et les prolos pas encore blancs devenait une menace pour elles. Dans le contexte de la conquête de l’Amérique, rien ne prédestinait vos ancêtres à devenir blancs. »
…Mais alors dans ce cas pourquoi dire page 18 que « le "je" cartésien va jeter les fondements philosophiques de la blanchité. Il va séculariser les attributs de Dieu et les transférer vers le dieu Occident qui au fond n’est rien d’autre qu’une parabole de l’homme blanc. C’est ainsi que vous êtes nés. »
…Je ne suis pas sûr de comprendre. Donc on nait blanc ? …On ne le devient pas ?
De même, page 70 on peut lire, évoquant l’année 1983, que « Mitterrand préparait sa grande trahison : l’abandon du prolétariat blanc au profit de la social-démocratie ».
« Prolétariat blanc » ? Là non plus je ne suis pas sûr de comprendre. En quoi un paysan du Larzac qui n’a jamais foutu un pied en Amérique et qui n’a donc jamais passé de pacte avec la bourgeoisie américaine se retrouve-t-il intégré dans la blanchité ?
…Parce que bon, moi de ce que j’ai compris, le Blanc c’est celui qui bénéficie d’une situation privilégiée qui s’appuie sur les rapports de force institués par la colonisation. C’est ce qui expliquerait d’ailleurs sûrement pourquoi les pouvoirs algériens et marocains sont de temps en temps intégrés à la blanchité… Mais alors du coup ça marche comment ?
Prenons un exemple tout bête : puisque les califats arabo-musulmans et sultanats turco-musulmans ont tous participé activement à entretenir une intense économie de traite d’esclaves au détriment de populations d’origines africaine, slave, corse, sarde ou crétoise, est-ce que du coup ça fait des Arabes et des Turcs de cette époque des Blancs ? Est-ce que, comme pour le cas de la colonisation américaine, doit-on considérer que ces élites musulmanes ont « inventé une communauté d’intérêts » entre elles et les autres Musulmans via l’islam qui, jusqu’à aujourd’hui, institutionnalise une forme de racisme ou de discrimination envers toutes les autres populations qui ont été exploitées ? …Et est-ce que du coup ça fait, par voie de conséquence, que les Corses et les Slaves soient à considérer comme des Indigènes plutôt que comme des Blancs ?
Et puis pendant qu’on y est : les centaines de milliers d’Irlandais qui ont été réduits en esclavage et envoyés en Amérique par l’Angleterre pour parfois y mourir en tant que main d’œuvre servile, est-ce qu’eux aussi doivent être rangés dans la catégorie des Indigènes et non des Blancs ? …A contrario , doit-on ranger les chefs tribaux d’Afrique qui ont activement participé au commerce triangulaire – et par effet de communauté d’intérêts une bonne partie des pays du Golfe de Guinée ainsi que leur population actuelle – parmi les Blancs ?
Plus je creuse ce logiciel de pensée et plus je m’y perds. Moi-même je ne sais pas dans quelle catégorie on devrait me ranger au regard de cette logique. Parce que voyez-vous, il se trouve que je suis picard. Or les Picards sont reconnus par l’ONU comme disposant d’une langue et d’une culture à part entière ; langue et culture considérées comme au bord de l’extinction du fait de la politique d’uniformisation culturelle menée par l’Etat français depuis le milieu du XIXe siècle. Du coup, ça ne peut pas faire de moi un Blanc si je suis bien la logique. On est bien d’accord, hein ? En conséquence, ça me place mécaniquement dans la catégorie des Indigènes de la République comme le sont mes sœurs Houria et Maboula ! Cela veut donc dire qu’on ne m’interdira pas – les miens et moi – de siéger à leur nouveau Bandung ! Il me semble que ça coule de source, non ?
Bien évidement – vous l’aurez compris – ce à quoi je viens de me livrer n’est en fait qu’une simple démonstration par l’absurde.
Attribuer la terminologie de « Blanc » à toute catégorie sociale de domination liée à la colonisation et l’esclavage est clairement à discuter tant cette démarche semble peu pertinente au regard de l’ensemble des faits.
D’un côté le colonialisme n’est pas le propre des puissances dont les dominants ont la peau blanche puisque les Chinois, les Japonais, les Mongols, les Arabes, les Turcs, les Ethiopiens, les Béninois et tant d’autres ont eu recours à la colonisation et à la réduction en esclavage de populations étrangères – et cela parfois même bien avant la colonisation menée par les Européens – et de l’autre, nombreuses furent les populations à la peau blanche à subir les mêmes systèmes économiques d’exploitation.
Dès lors on serait légitimement en droit de se demander pourquoi avoir choisi le mot « Blanc » pour désigner tout privilégié d’un système colonial.
Qu’on ne me dise pas par exemple qu’au fond de sa mine lensoise à crever de la silicose, l’ouvrier polonais profitait d’une quelconque position privilégiée par rapport à l’Antillais qu’on exploitait dans les champs de canne à sucre.
Béhanzin à la peau noire était négrier. Victor Schoelcher à la peau blanche a aboli l’esclavage. En quoi le terme de « Blanc » est-il plus pertinent que les termes marxistes de « dominant », « d’exploiteur » ou de « capitaliste » ?
La réalité c’est que l’usage de ce terme n’apporte qu’une seule chose : de la confusion.
…Cette confusion indispensable pour enfumer l’esprit de la populace ; cette confusion nécessaire pour entretenir l’ambiguïté sur les mots ; pour rendre acceptable à la longue ces propos tel que « tuer le Blanc », « exterminer le Blanc »…
Tout le monde s’emmêle les pinceaux avec ces définitions. C’est d’ailleurs pour ça que les idéologues décoloniaux ne prennent jamais la peine de pleinement définir ces concepts pour lesquels ils appellent pourtant des définitions.
Maboula Soumahoro elle-même s’est prise les pieds dans le tapis lorsqu’elle a voulu voler au secours de Houria Bouteldja, et cela dès sa deuxième phrase. Elle disait : « Et je pense qu’il est important, par honnêteté intellectuelle, de parler de cette identité blanche qui est présentée de manière assez problématisée, c’est-à-dire qu’on ne parle pas des individus blancs mais d’un système et d’une structure. »
« Individus blancs » a-t-elle dit. Mais quels Blancs ? Les « Blancs en tant que catégorie sociale de domination » ? …Bah visiblement non puisqu’elle vient littéralement de dire que l’identité blanche ne concernait pas les individus blancs ! Donc c’est bien qu’on parlait de personnes à la peau blanche ! Dans la même phrase le qualificatif est utilisé dans deux sens différents. Vas-y pour ne pas faire la confusion…
Et ça tombe bien parce que c’est justement ce qui est voulu : la confusion…
…L’amalgame.
D’ailleurs l’amalgame, Houria Bouteldja l’utilise régulièrement dans son ouvrage.
Dans le premier chapitre elle prend Sartre comme allégorie de toute la gauche alors que dans les faits – et de son vivant – il se faisait tailler costard sur costard par ses contemporains communistes. Aujourd’hui, qui se revendique d’ailleurs encore de Sartre à part quelques étudiants et profs libertaires ? Pas grand monde. Pourtant Houria Bouteldja en fait une allégorie de la gauche toute entière.
Page 11, c’est toute la France résistante qui devient responsable, d’après Houria Bouteldja, de la Terreur de Sétif et Guelma, puis à Madagascar, puis au Cameroun. Autant dire que les Francs-Tireurs et Partisans qui étaient d’ardents opposants de la colonisation sauront apprécier…
Page 22, on passe en moins de deux lignes du « blanc raciste qui a peur » à un « vous avez peur » qui inclut donc tous les Blancs car, dans ce troisième chapitre, « vous » renvoient aux Blancs. Brusquement donc, tous les Blancs deviennent racistes… Enfin, pardon… Sûrement que les Blancs sociaux hein !
Page 28, tous les Blancs deviennent patriotes et ce patriotisme les force à s’identifier à leur État, à fêter ses victoires et à pleurer ses défaites.
Page 34, tous les Juifs deviennent sionistes.
Page 54, toutes les chansons algériennes disent à quel point il est impossible de s’intégrer en France quand on est d’origine algérienne.
Bref, j’en passe…
Par ailleurs, au-delà, de l’amalgame, Bouteldja n’a pas non plus peur des raccourcis.
Page 34 : il faudrait d’après elle « rapatrier l’antisémitisme, identifier son territoire géopolitique, son foyer originel. L’antisémitisme est européen. » Manifestement Houria semble oublier que plus de deux-mille ans plus tôt, les Juifs subissaient déjà l’équivalent d’un pogrom de la part du Royaume néo-babylonien, et que par la suite les Romains ainsi que les Arabes n’ont pas non plus été en reste.
Page 89, toujours d’après Houria Bouteldja la Révolution française aurait fait en sorte que la neutralité de l’État devienne athéisme d’État, et cela quand bien même la France – même durant la période robespierriste pendant laquelle elle s’en prenait aux églises – continuait à autoriser les cultes et pratiquait même le sien : celui de l’Être suprême.
Page 84, si les hommes dominent les femmes c’est à cause – nous dit Houria Bouteldja – du « complexe de vanité » des Blancs. A croire sûrement qu’aux temps de l’Antiquité et du Moyen-âge, hommes et femmes vivaient en parfaite égalité, et cela notamment en terre d’islam…
Page 87, à en croire toujours Bouteldja « les Blancs [se sauraient] égoïstes et individualistes. Et ils en souffr[iraient]. Mais ils manque[raie]nt d’imagination pour penser d’autres horizons. Ils ne se souvien[draient] plus du temps où ils étaient solidaires et où ils avaient encore des cultures, des chants, des langues régionales, des traditions. Nous, c’est un peu différent. Devant l’adversité, nous conservons cette mémoire. » (p.87) …Visiblement, Houria Bouteldja n’a jamais mis les pieds en Bretagne en Alsace ou au Pays basque.
…Et j’en oublie volontairement parce que sinon on n’en finirait jamais.
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D'ailleurs SensCritique n'avait manifestement pas prévu qu'on puisse être aussi long sur un ouvrage de moins de cent pages puisque la publication de ma critique se heurte à la barrière du nombre du caractères possible ! La suite aura donc lieu dans l'espace commentaires... ;-)