Fredrik Welin est un médecin-chirurgien à la retraite vivant reclus sur son île. Il passe son temps à ressasser l'erreur qui a fait dérailler sa vie et qui l'a amené à vivre en ermite. Entre deux ruminations, Fredrik philosophe sur la mort qui vient et qui semble contaminer chaque pan de sa vie. Lorsqu'il écoute la radio c'est pour entendre parler de personnes assassinés. Lorsqu'il sort de sa cabane, c'est pour trouver des animaux décédés sur son perron.
Un jour, son amour de jeunesse revient et lui demande de tenir une promesse qu'il a formulé une trentaine d'années auparavant.
Il n'a pas beaucoup de temps devant lui : elle est atteinte d'un cancer et n'a que quelques semaines à vivre.
Avec ce roman, Henning Mankell quitte les contrées froides du roman policier pour aborder celles un peu plus réchauffées du roman initiatique. Dès ses prémisses le récit nous rappelle d'autres œuvres telles que "le Loup des Steppes" de Hesse : un misanthrope voit son existence être bouleversée par une femme délurée (autrement appelée "Manic Pixie Dream Girl") venue sauver le ténébreux héros de sa sombre existence.
Là où Hesse adorne son récit d'un singulier sens de la poésie et du spirituel, Mankell peine à trouver un style qui lui soit propre. Il construit son monde en invoquant une galerie de personnages dont le caractère manque cruellement de profondeur. Ces derniers ont beau être étayés par des anecdotes mi-tragiques mi-excentriques, aucun souffle de vie ne semble les muer. J'ai eu l'impression d'avoir à faire à des créations imaginaires de la même personne.
De la même manière, j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher au héros. Ce dernier est tellement enfoncé dans ses problèmes qu'il ne prend pas le temps de s'intéresser véritablement aux autres. Tournant en boucle sur son petit malheur (d'ailleurs quasiment réduit à un seul évènement "tragique"), il ronronne dans sa mélasse et ne se rend même pas compte qu'il en tire un certain plaisir.
Il devient même carrément imbuvable lorsqu'il raconte qu'en dix-neuf ans il n'a jamais visité sa mère en maison de retraite. Il n'est pas non plus allé à son enterrement. Pourquoi ? Etait-il en mauvais termes avec elle ? Même pas. Le personnage ne fournit aucune justification.
Il est difficile de trouver une page des "Chaussures Italiennes" qui n'invoque pas le champ lexical de la mort. Cette dernière infuse chaque instant de la vie de Fredrik. Chaque pensée, chaque parole, chaque choix. A ce titre, le roman remuera ceux chez qui un tel concept s'impose comme un passage obligé de chaque introspection. Est-ce qu'il suffit cependant de mettre en avant la mort pour donner une portée philosophique à un roman ? Au bout du parcours, les épreuves traversées par Fredrik ne semblent même pas l'avoir véritablement changé. Dommage pour celui qui semblait être sur le point de vivre.
Sans être mauvais, "Les Chaussures Italiennes" reste trop plat pour être véritablement marquant.
(Mention spéciale ceci dit au passage qui décrit le narrateur comme hésitant à manger les vers sortis de l'anus de son chien mort, puis qui retourne à son quotidien l'air de rien).