Vous réveillez-vous en nage, haletant, couvert de sang, la main crispée, pour avoir trop longtemps maniée l’épée ? Êtes-vous surpris de ne pas découvrir le sol de votre chambre jonché du corps de vos ennemis, de ne pas découvrir une femme nue et terrorisée à vos côtés ? Dommage, c’est que vous n’êtes pas très Conan !
Autant le guerrier cimmérien me lasse vite, autant je reconnais être fasciné par son père, Robert E. Howard, le père de l’Heroic fantasy. Robert est un génie, l’égal de R. R. Tolkien (la fantaisie positive) et de H. P. Lovecraft (le fantastique monstrueux).
Si j’en crois Robert, nos manuels d’histoire sont tronqués. Ils omettent la préhistoire pré-cataclysmique, celle de Kullbar l’atlante (20 000 av. J.-C.). Un cataclysme engloutit Atlantis et ses cités étincelantes. Alors, vint le temps de l’âge hyborien, celui de Conan, une période de troubles, de magie et de grosses bêtes, que la grande invasion picte éradiquera. Enfin, s’ouvrira notre âge à nous, celui de l'Empire romain.
Conan est un Cimmérien, un colosse musculeux, un barbare. Son visage et son corps sont couturés de cicatrices, sa grande chevelure est noire de jais et ses yeux bleus perçants. Aventurier, il sera, tour à tour, pirate, général, tueur à gage ou roi d’Aquilonie. Il vit pour et par le combat. Il tue, viole, vole, sans sourciller. Son éthique est simple : il lutte pour vivre.
Son monde est cruel et dangereux. Les décors sont crépusculaires, les manifestations surnaturelles terrifiantes, les femmes peu vêtues, la magie noire et les monstres méphitiques. La guerre y est incessante, les carnages succèdent aux massacres, les luttes s’achèvent par l’anéantissement d’un parti, voire des deux. Souvent, Conan reste seul. Robert décrit avec gourmandise les os broyés, les éclaboussures de cervelles, les rivières de sang. Conan est un mercenaire attiré par la ville et ses richesses. Le combattant vainqueur et honoré acceptera le trône, mais l’appel de l’aventure sera le plus fort. Conan vit pour la guerre, le pouvoir n’est rien.
Dernière Conan, Robert n’est jamais loin. Son propos est clair : le barbare est solide et prévisible. L’homme civilisé est corrompu et fourbe. La civilisation s’effondrera. L’urbain, s’il survit, redeviendra barbare. Robert Howard fut aussi un fils dévoué. Il soigna sa mère, mais, quand elle sombra dans un coma définitif, le 11 juin 1936, il se suicida d'une balle dans la tempe. Il n’avait que trente ans. Étrange homme.