De la légende arthurienne et la matière de Bretagne, je dirais plutôt "même légende, différentes versions et elles sont toutes justes..." car après tout j'adore comment les textes se complètent ou se contredisent surtout quand il s'agit de Dame Morgane, personnage le plus fascinant, le plus controversé et, pour moi, le plus mal compris de la légende, faisant la richesse de ce mythe. Mais si je devais donner une version de référence, plus que la version canonique de romans de Chrétien de Troyes et autres textes médiévaux (que j'aime beaucoup aussi), je parlerais plutôt du dyptique Dames du Lac / Brumes d'Avalon , adaptés en VF de Mists of Avalon .
Non seulement, cette version réussit le tour de force de mettre d'accord toutes les versions des légendes mais aussi je ne cacherai pas que l'une des raisons pour lesquelles j'adore ce livre, c'est le point de vue duquel il est écrit, qui donne une large importance à mon personnage préféré, quoi qu'on ait d'autres points de vue qui complètent bien. Cependant, là où j'accroche le plus, c'est moins pour la relecture féministe, originale, pertinente à mon sens et d'ailleurs, pour cela très réussie que par ce que sur le papier, c'est tellement ma vision de la légende, ce qui explique aussi pourquoi j'ai un amour immodéré pour cette version de la fascinante légende arthurienne et pourquoi surtout la Grande-Prêtresse d'Avalon, est mon personnage préféré par-dessus, si vous vous posez la question : elle est avant tout un personnage torturé; manipulateur, certes mais au départ par réaction et avant tout humaine avec ses défauts ( il me reste, d'ailleurs, toujours dans mon imaginaire, la magnifique scène, où après avoir disparue de Carleon, Morgane se ne retrouve plus le chemin vers la mystique Avalon à cause de ses défauts humains, son côté obscur, si vous voulez, et erre pendant des années dans le monde des Fées avant de trouver le chemin de Camelot) et, pourtant, tellement symbole de l'élégance, de la majesté et du mystère de ce monde brumeux entre Histoire et légendes, entre christianisme et paganisme, qui se complètent et se combattent. Certes, c'est une fantasy qui va piocher son inspiration dans les néo-paganismes pour les rites celtiques mais le roman réinscrit l'éternel affrontement de Morgane avec son frère-amant et aussi celui entre Morgane/Guinièvere dans son vrai contexte "historique". Il est bien plus crédible qu'il doit se lire dans le sens de l'affrontement Ancienne Religion/Christianisme et que par une réelle nature maléfique de Morgane. Pour le dire autrement, Morgane cherche simplement à détrôner Arthur, converti au christianisme sous l'influence de Guenièvre, pour préserver les traditions de l'Ancienne Religion et le rappeler à son serment prêté lors de son couronnement. Par ailleurs, autant que j'adore Chrétien de Troyes , il faut garder en mémoire que les composantes chrétiennes (dont la fameuse quête du Graal, même si elle est traitée de manière assez rapide dans le tome II de la VF) sont un verni qui sont venues s'ajouter plus tard dans les mythes celtes d'origine. Mais surtout j'aime beaucoup le côté non manichéen, qui ressort de toute cette relecture : on voit bien que tout n'est finalement que question de point de vue de considérer l'ancienne religion comme diabolique, même si elle n'est pas non plus sans défaut.
Pour le reste, cette réinterprétation a aussi le grand avantage d'être complète : tous les épisodes principaux de la légende se trouvent là de l'histoire entre Igerne et Uther, qui donnent naissance au grand roi unificateur de la Grande-Bretagne, Arthur Pendragon, en passant par l'initiation de Morgane comme Grande-Prêtresse et l'aventure de Lancelot et Guenièvre, jusqu'à la fameuse bataille finale de Camlann, où Arthur est tué par son fils incestueux Mordred et aprés laquelle il est emporté à Avalon par Morgane, qui veille sur lui jusqu'à ce qu'il se réveille quand la Grande-Bretagne aura de nouveau besoin de lui.