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Ce roman qui flirte avec le réel est paru en 1906 s’embarquant alors dans un des thèmes privilégiés de ce début de XXème siècle : l’orientalisme. L’œuvre répond de fait à cette envie d’ailleurs et d’exotisme. Comme l’indique le résumé ci-dessus, on y suit les rencontres et la correspondance secrète entre un écrivain avide de voyage et d’aventure et trois petites « ombres » qui occupent ces harems modernes. L’histoire s’ouvre dans la chambre de cet écrivain accompli et un peu fier, qui parcourt son courrier de manière détachée. Et puis tout à coup…, une lettre va retenir son attention et faire démarrer l’intrigue.


L’usage de la forme épistolaire est selon moi une des vraies forces de ce roman. Elle permet de maintenir un rythme plaisant et varié tout en nous faisons plonger dans l’esprit des personnages. Il est intéressant et agréable d’entendre les voix combinées des trois petites ottomanes qui répondent sans peur à celle imperturbable de l’écrivain. On y découvre les méandres des réflexions de ces femmes qui n’ont pas de droits et de liberté et qui doivent faire face à leur envie de rébellion. Un monde où dévoiler son visage est impensable. Et comme l’écrivain, nous ne cessons d’être dans l’attente de ce dévoilement. Ce roman est aussi celui du mystère et d’une vilaine curiosité. On lit les lettres comme si elles étaient volées et on écoute les conversations, au loin, dans l’ombre.


Pierre Loti nous offre un voyage merveilleux dans la fabuleuse ville de Constantinople. De l’aube au crépuscule, on écoute la ville vivre, souffrir et se révéler, comme les petites habitantes qu’elle abrite. Ce trajet est aussi l’occasion de découvrir les coutumes de cet orient méconnu et bien souvent fantasmé. On a en tête en début de lecture les contes des mille et une nuit avec toute la magie, tous les ornements et les richesses, ces princesses ornées, chargées de couleurs et de bijoux. Mais ce que nous dévoile l’auteur est bien plus sombre et morne. Derrière le faste de la façade, l’obscurité et la tristesse sont omniprésentes. Tout ceci donne une atmosphère lourde et mélancolique au roman. Le passage sur les rituels funéraires m’a particulièrement intéressée. Voir ce corps ami se faire transporter par des mains inconnues dans tout Istanbul donne tout l’aspect tragique à la disparition de ce personnage. Car selon, moi avant ce moment, la perte de cette jeune fille ne nous touche pas réellement alors qu’elle fait partie des éléments principaux de l’intrigue.


Un des autres reproches que je pourrais faire à propos de cette œuvre est son côté répétitif. D’abord du point de vue de la construction du roman et ensuite sur l’aspect descriptif de certains passages. L’écrivain et les trois ottomanes se donnent plusieurs rendez-vous mais au fil des pages, ceux-ci n’apportent pas forcement quelque chose de nouveau. D’autant que les lieux de rencontre ne varient pas énormément. L’auteur s’attarde donc sur des descriptions d’endroits qui reviennent et qui s’étirent en longueur.


C’est à la fin de l’œuvre que le rythme du récit reprend toute son ampleur et que l’émotion parvient enfin à toucher le lecteur. Un autre personnage phare est emporté par la mort ou plutôt choisi cette solution pour échapper à cette condition recluse impossible. L’ennui et les carcans ont raison de cette petite âme. C’est la lecture de cette terrible lettre d’adieu qui a réussi à me tirer des larmes et à me faire revivre le roman sous un autre angle.


« Et je m’en vais, je m’envole, serre-moi ! ...André ! ...Oh ! t’aimera-t-on encore d’un amour si tendre…Ah ! le sommeil vient et la plume est lourde. Dans tes bras…Mon bien-aimé.
Ils se perdaient, tracés à peine, les derniers mots. »


Une lecture donc, très enrichissante culturellement, merveilleuse pour l’imagination mais aussi très émouvante. Plusieurs semaines après ma lecture je repense encore à ces trois petits fantômes remplis d’une lassitude et d’une révolte sourde qui bouillonne jusqu’à imploser et les détruire.


http://www.sheepcloud.ovh/aumoutoncurieux/index.php/2018/01/03/les-desenchantees/

titaboris
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le 3 janv. 2018

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