Les faux-monnayeurs est un roman difficilement qualifiable car il résulte d’un enchevêtrement d’intrigues. Trois personnages dominent néanmoins. Il y a Bernard et Olivier, deux amis qui préparent le baccalauréat, et Édouard, l’oncle d’Olivier qui ambitionne d’écrire un roman innovant. Ce dernier essaie d’user de son influence sur son neveu, c’est une sorte de mentor aux intentions troubles. Olivier et Bernard font l’apprentissage de la vie d’homme avec ses vicissitudes et ses désillusions. Ils expérimentent, renoncent et tâtonnent. Autour d’eux gravitent énormément d’autres personnages et plusieurs histoires se mettent en place.
Le personnage d’Édouard permet à l’auteur de développer une réflexion sur le roman moderne. En pleine écriture d’un roman intitulé « Les faux-monnayeurs » (tient donc…) il expose à ses jeunes amis sa vision. On le voit également lutter et échouer dans son projet d’écriture. L’auteur nous montre ainsi la limite du roman dans la description du monde réel et invite à libérer l’écriture de la simple narration des faits.
Le roman est extrêmement libre dans sa forme. Il apostrophe volontiers le lecteur et décide subitement de laisser de côté un personnage qui lui semble moins intéressant finalement. Le narrateur est parfois omniscient et parfois du point de vue d’un personnage. Régulièrement le récit nous est donné par des extraits du journal d’Édouard, offrant un nouveau point de vue. Servi par un style fluide et riche ce roman est d’une lecture extrêmement agréable.
Les personnages, bien que nombreux, ont une réelle épaisseur morale. L’auteur décrit avec précision et justesse les gênes, les non-dits et les incompréhensions qui gangrènent les amitiés. On découvre aussi les faux-semblants et les impostures de chacun. Une critique des élites et des familles traditionnelles est amorcée. Les femmes sont moins présentes et moins développées. Les liens entre les jeunes hommes et leurs mentors plus âgés ne sont pas dénués d’ambiguïtés et rappellent les écrits de l’auteur où il revendique son homosexualité et son attirance pour les jeunes hommes.
J’ai trouvé ce roman surprenant et passionnant. Roman sur l’échec d’écrire un roman mais aussi sur l’amitié, l’amour, l’adolescence et les relations familiales, c’est une œuvre foisonnante et intemporelle.