D'accord, j'aime la poésie.
D'accord, aimer les Fleurs du mal, cela peut paraître on ne peut plus consensuel.
Mais que faire puisqu'il s'agit objectivement d'un chef d'oeuvre ?
Les Fleurs du mal ne sont pas un hymne à la révolte, elles ne sont pas non plus un bouquet décadent. Les Fleurs du mal, c'est d'abord un constat. Le constat d'un romantique pénétré d'idéaux célestes qui se brisent sur la médiocrité du réel. D'où le spleen. Baudelaire est le premier Etranger. Il évolue dans un monde urbain dont il vomit les hideurs et, partant, il se vomit lui-même. Baudelaire ne chante pas le péché, pas plus que le satanisme, il le constate, il le déplore, il s'en fait l'écho puisqu'il appartient à ce monde qui loue le vice mais se cache dans les ténèbres par honte. Baudelaire voit la fin du monde arriver à grands pas et s'égosille pour alerter les inconscients qui continuent à se damner en dansant leur sabbat. Pour couvrir pudiquement la laideur universel, le poète la recouvre de fleurs, il attrape à bras le corps ses "objets répugnants" et les sublime à la rime. Et dans l'espoir d'atteindre le but icarien, "mystique quadrature", de faire jaillir l'or idéal de sa gangue de bile noire il plonge "au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau".
C'est le chef d'oeuvre que seuls les persécuteurs du jeune poète de "Bénédiction", ces marins bourreaux d'albatros, (et les femmes peut-être) ne peuvent comprendre.