Cette critique n'est plus d'actualité. J'ai appris à lire. J'ai appris à lire de la poésie. J'ai relu les Fleurs du Mal et ça fait partie des plus grandes productions de la littérature, incontestablement. Je ne renie pas pour autant cette maladroite et néophyte critique ; d'ailleurs peut-être que dans 3 ans je vous dirais qu'on a fait infiniment mieux que Baudelaire et qu'il m'est assez fade désormais. C'est aussi ça l'Art, c'est une perpétuelle tension entre la sensibilité de l'instant et l'objectivité de l'éternité.
Lu en Avril 2020 8,5/10
La poésie me semble être un genre littéraire terriblement ingrat. Car il faudrait lire 10 fois chaque poème pour en comprendre ce qui en fait l'essence.
Là où dans n'importe quel récit de plusieurs dizaines de pages l'auteur peut se donner le temps de raconter une histoire, de faire passer des messages ou d'écrire tout simplement. Le poète lui, est restreint par quelques vers dont chacun des mots doit peser lourd quand le tout doit être léger et musical.
Ainsi dans ma première lecture des Fleurs du mal, je ne prétends pas en avoir saisie ne serait-ce qu'une demi-envergure d’Albatros. Mis à part quelques poèmes que j'ai relus pour mieux être bercé, je me suis globalement laissé porté par l'agencement minutieux des œuvres les unes après les autres. Je pense donc en avoir saisi une partie de la musicalité. Celle-ci chez Baudelaire est à double tranchant. Parfois se complaira t-il dans le laid et autres sons en « euse », d'autres fois il te lâchera des rimes riches d'une puissance incroyable, d'une grande poésie sonore. J'ai particulièrement apprécié ses poèmes en octosyllabes, où le rythme est plus important que tout, où aujourd'hui on rapperait presque ces vers bénis. Certains très longs poèmes sont bien sentis aussi ; mais comme je le disais plus haut, ils restent d'une longueur trop courte pour entrer dans leur univers si bien qu'ils perdent souvent en efficacité, en qualité. Pour ce qui est du sens, il est plus difficile à cerner avec une seule lecture. Néanmoins, on retrouve quelques grands thèmes qu'on connaît tous de Baudelaire. A savoir l'omniprésence de la mort, mais aussi la belle laideur (usant et abusant souvent de synesthésie) ou encore du voyage. Une occurrence récurrente à laquelle je ne m'attendais pas est celle de Dieu. Je ne sais pas quel regard porte t-il sur lui, je veux dire y croit t-il ? Ce qui est certain c'est qu'il préfère Satan aux Séraphins.
Finalement, après cette expérience j'ai quand même l'impression que Baudelaire, symboliste de son état, est plus érigé en symbole, en culte, que reconnu comme étant le plus grand poète de tous les temps. Il a un univers propre et majestueusement décadent c'est certain. Il maîtrise la langue et les us de la poésie à la perfection c'est aussi certain. Mais je n'y ai pas trouvé de réel génie, le recueil complet n'est que très bon. Spleen et Idéal se démarque largement par sa qualité et c'est les deux tiers des poèmes. Mais à côté Les Tableaux Parisiens m'ont paru assez élitiste quoi qu’ayant le mérite de faire sourire chose rare chez lui. Le Vin est un bel ensemble mais trop court. Les Fleurs du Mal et Révolte sont très moyens, plus autocentrés que jamais et ne m'ont pas du tout parlé. Puis La Mort en revanche est une très belle composition du niveau du Spleen et Idéal. Ainsi donc, si le tout est d'une très grande qualité objective, seuls quelques poèmes ont quelque chose de transcendant (Élévation, Les Phares, Le Possédé, L'Invitation au Voyage, Les Vampires, La Mort des Pauvres, ). Ainsi, pour moi le recueil pâtit d'une hétérogénéité trop flagrante pour être érigé au rang de chef d’œuvre. MAIS, je maintiens que le seul moyen de comprendre cette poésie c'est de la conserver comme livre de chevet et de la consulter encore et encore...
« Allume ta prunelle à la flamme des lustres !
Allume le désir dans les regards des rustres !
Tout de toi m'est plaisir, morbide ou pétulant ;
Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore ;
Il n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant
Qui ne crie : Ô mon cher Belzébuth, je t'adore ! » Le Possédé
« Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
A l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe calme et volupté » L'invitation au voyage