Les Frères Karamazov est le 15è et dernier roman de Dostoïevski publié en 1880. Il parait pour la première fois sous forme de feuilleton dans le Messager russe entre 1879 et 1880 soit un an. Quant à l'idée du roman, elle commence à germer en lui au moins à partir de 1878 où il est attesté qu'il commence à prendre des notes et à en discuter avec ses amis. Il fait partie des romans longs et épais comme Anna Karénine puisqu'il fait 953 pages dans l'édition Folio. Le roman est composé de 4 grandes parties et d'un épilogue. Il a fallu 1 an aux russes pour le lire, moi il m'a fallu 6 semaines.
Dans la première partie, l'auteur va présenter la famille Karamazov qui va être l'objet de ce roman. Le père, Fiodor Pavlovich Karamazov est présenté comme un sensuel, c'est-à-dire un libertin ou un débauché. Un homme égoïste qui ne pense qu'à son plaisir et ne se soucie que peu ou pas du tout des autres. Il a eu un premier fils Dimitri avec une première épouse Adélaïde Ivanovna Mioussov, mais la femme l'ayant quitté, il délaisse le fils. C'est son domestique Grigori qui s'en occupera avec son épouse. Fiodor se remarie avec Sophie Ivanovna qui lui donne Ivan puis Alexis dit Aliocha. Il ne s'occupe pas non plus de ses autres enfants. Les enfants sont élevés séparés. Dimitri est entré dans l'armée et manque d'argent, car c'est un être dépensier qui vit au dessus de ses moyens, quand à Ivan, c'est un intellectuel qui écrit des articles mais manque cruellement d'argent lui aussi. Enfin, le petit dernier Aliocha vit dans un monastère en compagnie du starets Zosime, sorte de saint vénéré de son vivant par les chrétiens orthodoxes. Il le vénère comme beaucoup au monastère et essaie en tout de suivre son exemple. Il voudrait devenir moine.
Mais voila qu'il y a un problème : les deux frères ainés sont de retour en ville. Dimitri veut récupérer sa part d'héritage qui viendrait selon lui de sa mère et dont il s'estime lésé, mais ce n'est pas tout. Dimitri, qui était fiancé à une certaine Katia, une belle jeune femme de bonne famille, s'est amouraché d'une demi-mondaine qu'on appelle Grouchenka et qui vit entretenue par un vieux et fréquente beaucoup d'homme et en particulier Fiodor, le père de Dimitri. Le jour où Dimitri lui réclame 3000 roubles et que son père les met dans une enveloppe pour les donner à Grouchenka qu'il espère épouser, ç'en est trop pour Dimitri. Une entrevue avec le starets Zosime qui en plus d'être un saint homme est aussi un homme plutôt sage et sensé, est organisée. Il est censé leur donner des conseils. S'ensuit une longue description de la vie dans le monastère, des moines, des visiteurs, puis des discussions sur des sujets religieux à n'en plus finir. On comprend alors que ce livre aura pour objets des questions religieuses telle que l'existence de Dieu, bien sûr, mais aussi le bien et le mal, le paradis et l'enfer, dont des controverses aussi intéressantes que "est-ce qu'il y a du feu en enfer ?" (p437).
Mais la médiation du starets ne servira à rien. On comprend qu'un drame se prépare. On va lire la chronique d'une mort annoncée, celle de Fiodor Karamazov, le père qui a abandonné ses enfants et veut donner l'argent que son fils estime mérité à la femme de mauvaise vie dont il est tombé amoureux. Sauf que cette chronique d'une mort annoncée, n'a pas le mérite d'être courte comme celle de Marquez puisqu'il faut attendre la page 519, soit plus de la moitié du livre avant que le père ne soit (enfin) tué. Avant cela, il faudra se coltiner, presque au bas mot ce même nombre de pages de considérations religioso-mystiques parfois intéressantes, parfois aussi superficielles que celle du sexe des anges. On peut mentionner par exemple la controverse sur l'odeur du cadavre du starets après sa mort (p.443) qui aurait du sentir particulièrement bon s'il avait été un véritable saint, mais qui, comme il sent particulièrement mauvais, ne doit pas en être un. Il y a tout un chapitre consacré à cette question, soit 13 pages. Le problème, c'est que c'est comme cela, tout le long du livre. On assiste aussi aux visites que fait Aliocha aux uns et aux autres. Les deux frères Dimitri et Ivan sont assez peu sympathiques et on s'attache surtout à Aliocha qui rappelle par de nombreux traits l'idiot du roman du même nom.
Comme dans l'Idiot justement, les événements du roman vont donc consister en des visites aux uns et aux autres. La plus touchante, et aussi la plus intéressante, est certainement la relation qui va se nouer entre Aliocha et un enfant pauvre Ilioucha, et un autre enfant un peu plus âgé Kolia. Quand au procès de Dimitri Karamazov accusé de la mort de son père et que tout accable, il faudra attendre la page 817 avant qu'il ne débute. On aura droit au réquisitoire du procureur sur 4 chapitres absolument rasoir, puis à la plaidoirie de l'avocat de Dimitri beaucoup plus intéressante et rationnelle sur 4 chapitres également jusqu'à à arriver tranquillement jusqu'au verdict, puis l'épilogue. On sort enfin d'une lecture qui a été pour moi peut-être encore plus éprouvante que celle d'Anna Karénine. Car les Frères Karamazov s'il se veut un roman philosophique, spirituel et religieux aborde la plupart du temps des questions extrêmement datées et même géographiquement déterminées, et trop rarement importantes, même si elles le sont parfois. On assiste ainsi le plus souvent à des discours ou monologues de personnes enfonçant des portes ouvertes quand elles ne sont pas simplement en train d'enculer des mouches. Ne parlons pas du premier délire religieux d'Ivan Karamazov au chapitre Le Grand Inquisiteur p.345 puis celui sur le diable p 791. Car si pour lui le délire est poussé à l'extrême, ce n'est qu'aux délires religieux des uns et des autres qu'on assiste, y compris du starets Zosime, aussi sage fut-il, mais aussi à ceux du moine concurrent dont j'ai oublié le nom qui voyait des diables partout, y compris ceux d'Aliocha, les plus modérés, puisqu'il tente simplement de faire le bien et d'être toujours bienveillant avec son prochain. Le religieux n'est-il d'ailleurs pas toujours un délire ? C'est peut-être la grande leçon à tirer de ce livre s'il y en a une.
Un grand chef d'œuvre de la littérature qui a été encore une fois surévalué, comme Anna Karénine, sans doute du fait que peu l'aient vraiment lu, et beaucoup prétendent l'avoir fait. Ce n'est pas pour autant que je dénie tout talent à Dostoïevski, bien au contraire. Son génie reste intact, et j'invite mes lecteurs à lire plutôt L'Idiot, si ce n'est pas encore fait. Quant à moi je m'attaquerai prochainement au Joueur ou au Double de celui qui reste néanmoins d'un des plus grands écrivains de l'histoire.