On savait depuis Entre deux mondes que Norek est un écrivain versatile, et que son talent peut s’exprimer au delà de la forme du thriller qui l’a rendu populaire. Ce qu’on ne connaissait pas, par contre – qu’on l’ait oubliée ou qu’on ne nous l’ait jamais enseignée –, c’est l’existence de la Guerre d’hiver, épisode tragique ayant duré moins de quatre mois pendant l’hiver 1939 – 1940, qui vit l’URSS tenter d’envahir la petite Finlande, quasiment en vain, puisque les troupes soviétiques, en dépit d’une écrasante supériorité numérique, n’avanceront que de quelques kilomètres en Finlande avant la signature d’un traité « de paix ».
L’histoire de cette agression contre un pays ami, voulue par Staline, tyran absolu auquel nul n’avait l’audace de résister, évoque très clairement celle de la guerre d’Ukraine, et c’est bien entendu ce qui a motivé au départ le projet de Norek : nous inciter à tirer les leçons du passé, de l’histoire qui semble bégayer. Les lubies d’un despote, la docilité d’un pays tout entier – la Russie – qui ne sait comment résister à ses dictateurs dérangés, le courage inhumain de combattants défendant jusqu’au bout leur nation, leur indépendance, et, inévitablement, l’indifférence du reste de l’Europe… tout est là.
Mais, cerise sanglante sur ce gâteau bien étouffant déjà, Norek a découvert l’existence au cœur de cette guerre insensée de Simo Häyhä, sniper Finlandais légendaire ayant abattu entre 400 et 500 soldats ennemis en guère plus de 3 mois : surnommé « la Mort Blanche » par les soldats russes terrifiés, il est devenu le centre des Guerriers de l’hiver, un personnage mythique, presque surnaturel, auquel Norek confère pourtant une humanité bouleversante.
Entièrement construit à partir de faits réels débusqués par Norek grâce à un long travail préparation, en particulier sur place – il faut lire la postface du livre-, Les guerriers de l’hiver est un grand livre de guerre, faisant la va-et-vient entre le front, les tentatives désespérées des politiciens et du peuple finlandais de limiter les conséquences de l’agression soviétique, les manœuvres des cadres soviétiques à Moscou, et avec même quelques incursions dans la France de Daladier… Il est parsemé de scènes littéralement dantesques, que l’on jugerait irréelles si une rapide recherche sur Internet ne nous en confirmait la véracité, mais c’est également in formidable récit de résilience… qui nous laisse régulièrement les larmes aux yeux.
Inutile d’en dire plus : passionnant historiquement, rempli de tension et traversé de superbes instants d’émotion, Les guerriers de l’hiver est le meilleur livre de Norek, sans hésitation.
PS : Nous avons mentionné une recherche sur Internet, mais surtout n’allez pas lire la fiche Wikipedia consacrée à Simo Häyhä, vous vous spoileriez la fin hallucinante du livre.
[Critique écrite en 2024]
https://www.benzinemag.net/2024/08/29/les-guerriers-de-lhiver-dolivier-norek-finnish-sniper/