A la lecture de la quatrième de couverture, j’étais tout de suite intriguée par ces deux êtres qui semblaient perdus, par leur insignifiance face à l’immensité de la ville, et par le suspens qui se dégageait d’une éventuelle rencontre.

L’histoire est simple ; Delphine de Vigan nous raconte l’histoire de Mathilde et de Thibault, deux parisiens qui ne se connaissent pas mais qui sont tous les deux en proie à la solitude et à la violence du monde qui les entoure.
Il y a d’abord la solitude amoureuse de Thibault : il aime Lila sans qu’elle ne l’aime en retour, il se heurte à son indifférence et à son silence. Il y a ensuite la solitude professionnelle de Mathilde : son isolement de ses collègues, son exclusion. Le sentiment de solitude est renforcé par le fait que ces héros n’ont presque pas d’interlocuteur, ce ne sont quasiment que leurs pensées et leurs souvenirs qui nous sont retranscrits par Delphine de Vigan. Son style est d’ailleurs simple, épuré et sincère, à l’image de ces personnages qui n’ont plus la force de continuer mais qui avancent sans savoir comment. Ses phrases sont courtes, brèves, illustrent l’épuisement moral de Mathilde et Thibault.
La violence est un autre élément très présent dans Les Heures souterraines. La violence psychologique, d’une part, que Mathilde subit de la part de son supérieur, Jacques. La violence physique, d’autre part : il manque deux doigts sur la main gauche de Thibault. Enfin, il y a la violence urbaine : les embouteillages et les usagers du métro s’imposent à ces deux personnages qui doivent tenir le rythme pour ne pas se laisser écraser.

Pourtant, il s’agit d’un roman qui, dès le début, est plein de promesses pour le lecteur, et d’espoir envers ses personnages : d’abord, il y a la voyante qui a promis à Mathilde que le 20 Mai pourrait changer sa vie, qu’il y aurait un homme, une rencontre. De fait, l’attente de la rencontre s’intensifie tout au long du roman. Chaque pas semble les rapprocher, chaque page nous donne envie de les voir se rencontrer, et même : chaque page rend cette rencontre de plus en plus nécessaire, nous donne l’impression que, s’ils ne se rencontraient pas, « ils n’y arriveraient pas ». Jusqu’à la fin, Delphine de Vigan m’a tenue en haleine pour finalement me rappeler que ce n’était pas un roman à suspens et que chaque événement n’existait pas que par rapport à la fin, mais bien en lui-même. La conclusion est triste, mais très réussie. Simple et fraiche.

J’ai beaucoup aimé l’importance que donnent les personnages et l’auteur aux petits événements du quotidien, aux petits faits qui prennent parfois beaucoup d’ampleur et vous submergent. Le personnage de Mathilde était particulièrement attachant, et j’ai trouvé son histoire très intéressante et inhabituelle, le thème de la violence psychologique dans l’entreprise étant, selon moi, assez peu abordé. J’ai moins accroché le personnage de Thibault, que j’ai trouvé moins travaillé et moins développé. Mathilde était, selon moi, tellement imposante et touchante qu’en comparaison Thibault m’a paru un peu fade.

Une nouvelle fois, j’ai été touchée par l’écriture de Delphine de Vigan, qui décrit les émotions et la souffrance morale avec justesse et simplicité ; Les Heures souterraines est un roman moderne, rythmé et intense, qui ne perd pas de temps et saisit immédiatement le lecteur. Je le recommande sans hésiter à ceux qui aiment les personnages torturés et perdus, qui s’interrogent sur le sens de la vie, sur l’existence du hasard et du destin, et à ceux qui aiment les romans rythmés, dynamiques, sincères et pudiques.
ulostcontrol
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le 18 août 2014

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