Les Indifférents (1949, trad. Paul-Henri Michel) est un roman qui se donne d’un bloc et dont l’atmosphère de pièce de boulevard nauséeuse est posée dès les premières pages. Une petite famille - la mère, son fils, sa fille -, un homme venu de l’extérieur qui convoite et la mère et la fille et parvient en plus à les escroquer, et entre les acteurs du drame toute l’hypocrisie d’une bourgeoisie romaine indifférente à l’état du monde - celui, pourtant, du fascisme qui monte. L’écriture est simple et n’autorise pour toute psychologie que les pensées les plus vulgaires et les plus lâches des personnages - à l’exception, parfois, du fils Michel, sorte d’Hamlet raté.
Ça pourrait aussi bien faire 110 pages, ça en fait 350 : peu importe dans le fond, quand la mécanique est aussi rigoureuse. La démonstration est implacable, la satire désespérante, et Moravia tient ses personnages dans les rebondissements attendus du drame familial bourgeois comme des rats dans un labyrinthe. Le lecteur de même : tout ici est si définitif, si massif, que j’ai eu du mal à trouver les interstices où faufiler ma subjectivité.