Comment peut on écrire l'histoire d'un banni de l'Histoire sans pleurer face aux manques de sources, de détails, dans un terrain vague et cahoteux? C'est le défi que se donne Amin Maalouf dans ce livre, sans doute une biographie romancée ou un roman biographique. C'est en effet par la fiction que Maalouf s'extirpe de ce manque cruel d'informations.
L'histoire méconnue de Mani à l'époque où Rome domine tous les sujets en occident. À une époque où le christianisme s'exporte. Entre l'Europe et l'Asie. Une autre ère. Pas de Père un Jumeau. Pas d'Eglise un Espoir...
L'épilogue est comme un manifeste contre la bêtise humaine qui de génération en génération, de siècles en siècles, n'a cessé de bafouer ce nom: Mani. Et l'auteur prend le parti de l'opposition en tentant de reconstituer la vie du prophète. Et il le fait avec classe et finesse, en donnant à son protégé l'humour, l'amour, la force et la confiance nécessaire à se faire aimer. Le sympathique Mani (je ne parle pas du mammouth de l'âge de glace) dans le visage que Maalouf lui donne, a des traits caractéristiques de prophète, nombreuses sont d'ailleurs les allusions aux autres prophètes (Jésus Bouddha ou Zoroastre), mais il a aussi les traits d'un ami. En quelque sorte nous sommes, lecteurs, en ayant choisi de lire ce livre, des disciples.
Maalouf se place donc dans une position de romancier, de mémorialiste, et d'historien. Le narrateur qui parle en italique ou au futur pour expliquer les conséquences de certains actes, c'est le narrateur historique, qui prend des distances par rapport à l'histoire romanesque pour se lancer dans une réflexion sur l'Histoire.
Voilà ce que Maalouf intègre dans ce roman qui se lit facilement grâce à un style littéraire très agréable et recherché, et qui nous fait rire, sourire, râler, pleurer... bref un excellent bouquin!!!