Drôle de personnage que ce Montherlant. On peut dire que c'est homme de principes. Aujourd'hui on dirait qu'il est un peu old school. Attiré jusqu'à l'obsession par un idéal de virilité principalement inspiré de la lecture des classiques et dans lequel pêle-mêle on peut trouver le courage, le sens de l'honneur, une forme d'idéalisme intellectuel, la pratique (et la connaissance) de l'art comme moyen de se distinguer du commun mais aussi comme force de combat, etc. Montherlant ne le dit pas, mais s'il devait se définir, il serait probablement un homme un vrai, peut-être le dernier, le vestige d'une race supérieure mais disparue. Il portait ses couilles, comme dirait le sympathique Rohff (qui a dit aussi, pour justifier son art : "La Fontaine a fait son temps").
Bref Montherlant ne se voit pas tendre vers un idéal, puisqu'il se confond avec lui. Par ailleurs il aime les femmes, la chair, mais peu lui importe qu'elle soit incarnée ou non. Pour lui une femme c'est avant tout le moyen d'obtenir du plaisir. Montherlant est un hédoniste. Un joli corps (jeune, frais et lisse, de préférence) lui suffit. Il n'est pas loin de trouver cela insupportable que ce joli corps se mette à parler.
Dans le roman Costals (le personnage principal) s'amuse du désir de jeunes filles inexpérimentées, énamourées, forcément un peu idiotes. Il les comprend (un peu), les méprise (beaucoup), joue gentiment avec elles, en même temps il s'en fout, bref.
Ce n'est pas extrêmement passionnant.
On entend souvent que Montherlant comprend parfaitement la psyché de ces petites amoureuses qu'il met en scène. Et c'est ce qu'on se dit en effet quand on lit les lettres des jeunes filles en question. Pour ma part je pense qu'il s'est beaucoup inspiré de courriers qu'il a effectivement reçus et je ne crois pas qu'il y ait de véritable création intellectuelle. Mais après tout, l'art est transformation, alors pourquoi pas. Ça n'enlève pas l'intérêt de ce qui est dit et le point de vue qu'il porte sur ses petits personnages est juste, parfois un peu cruel, parfois compréhensif, parfois même (plus rare) attendri. Ce n'est pas si mal.
Mais l'histoire piétine un peu. Il y a cette fille moche qui est folle de lui et qui lui envoie ces lettres désespérées (et désespérantes) qu'il jette sans les décacheter, puis il va s'amuser avec une autre qu'il vole à je ne sais plus qui. Ça fait un peu Liaisons Dangereuses à la petite semaine.
En même temps, Costals se satisfait de peu. Une paire de nichons ça lui suffit. Je trouve ça un peu tragique. J'y vois une misogynie exagérée et, pour être tout à fait franc, une vraie peur des femmes.
Montherlant par ailleurs est un type marrant et spirituel. Il faut lire les Carnets.