"Ceci n'est pas une lettre d'amour. (non et en plus je ne me la joue pas Magritte genre ahah ceci n'est pas une mais en fait si, ah ah...non moi j'veux dire ceci n'est vraiment pas une lettre d'amour.) [...] J'aimerai te voir bientôt J*****, j'aimerai vraiment. Je t'embrasse, quoi qu'il en soit. J* (comme ça j'ai l'impression qu'on est presque pareil.)"
Les jeunes filles, comme personne, écrivent des lettres merveilleuses. Au moins à ceux qu'elles aiment. Quand on les laisse s'écrire entre elles, parfois, elles s’égarent, comme Myna, dans Dracula, ou la petite Volange des Liaisons dangereuses. Les jeunes filles, comme personne, écrivent des lettres d'amour merveilleuses et c'est un plaisir infini, inimaginable que de les recevoir, de les ouvrir lentement, de les lire une fois, puis une autre. Parfois, aussi, c'est horrible. Costals, notre héros, vous le racontera mieux que moi.
Les jeunes filles - ici en italique c'est le titre - c'est un coup d'oeil à sa correspondance, Costals a de nombreuses maîtresses de papiers, il se délecte même, on le sent, de la pire naïveté, et règne sur son empire de feuilles volantes en souverain insensible ; il joue, il les fait plier, il les déchire, il les jette. Pauvres jeunes filles de papiers. Souvent, il aime à y mettre les feux, à les attiser longuement de ses silences sans réponses, il souffle sur les flammes, puis sur les braises pour ne jamais laisser filer cette chaleur, ou finalement, si, au revoir Cendres dispersées.
"Tu m'as demandé de ne plus t'écrire, alors je me tais, je m'inquiète, je deviens folle, je crève de peurs et de pleurs, mais je me tais. [...] C'est un peu la douleur de l'évidence : je ne veux plus jamais être séparée e toi, et toi tu ne veux juste plus de moi. Alors quand tu iras mieux, j'aimerai que tu me répondes, j*****, comment continuer de vivre en sachant qu'on a perdu la seule chose qu'on désirait encore ? s."
Ce livre, dont je ne savais rien, m'attendait. J'ai depuis toujours - et une part de moi est assez triste d'avoir laissé tomber cette tendre activité - apprécié ces échanges et je garde avec tendresse, ces dizaines/centaines/plein de lettres. Et je lis les réponses de Costals en en savourant le piment, la violence distillée avec soin, ses considérations si prétentieuses sur l'amour et le détachement. Oh, rassurez vous, il n'est absolument pas besoin d'avoir laissé tomber de ses doigts des lettres mouillées de larmes et/ou/de/passons, pour se laisser aller avec délectation à la lecture de ces quelques pages. Evidemment, c'est un salaud, un misanthrope sans doute, comme le suggère si bien Hélice, mais les garçons froids et si avides d'amour le sont toujours. Et là où Hélice voit la haine se répandre, je vois une touche d'amour lutter contre, et j'aime bien aussi.
"[Cette lettre est restée sans réponse.]"