Les Lisières par MarieDmarais
Paul Steiner est séparé de sa femme, Sarah, ne voit ses deux enfants que les week-ends, vit en bord de mer pour fuir Paris et sa banlieue, se sent étranger dans sa propre famille, apprécie plus que de raison le whisky, écoute une musique plombante, roule en renault Scénic, vote à gauche, mange bio, est le parfait opposé de son frère aîné, fait la fierté de son père qui se cache bien de le lui dire. Et puis il écrit des romans torturés à succès, aussi.
"Tiens, tu me diras ce que tu en penses. Perso, je n'ai pas réussi à le finir..." C'est dommage, parce qu'il est bourré de références musicales plus intéressantes les unes que les autres, notamment "Other Lives" dont je n'avais jamais entendu parler. Que leur titre "Old statues" puisse faire fondre en larmes en quelques secondes cet écrivain écorché vif, à ses dires, a titillé ma curiosité. Et j'ai bien fait de la satisfaire car l'album tourne en boucle depuis... Hein ? Quoi ? Et le bouquin ? Euh... Disons que mon esprit cartésien se tournera plus vers le profil de François, ce frère pragmatique, vétérinaire, sûr de lui qui appelle un chat un chat et ne s'encombre pas de questions philosophiques plutôt que vers celui torturé de Paul, éternel insatisfait, abonné au mal-être et adepte de la coupe des cheveux en quatre. Ceci dit, l'auteur dépeint très bien notre société avec ses familles de français moyens dont le père ouvrier est aussi souriant et engageant qu'un gardien de prison, une mère que la comptabilité familiale rend dépressive, des enfants qui ne comprennent pas pourquoi ils ne peuvent pas, eux aussi, apprendre le piano, jouer au tennis et envisager de faire HEC dans un de ces lycées privés comme le copain de classe vivant, lui, dans les beaux quartiers. Ces descriptions d'une banlieue entre deux eaux, de parents déprimants font qu'Olivier Adam fait fuir son personnage jusqu'au finibus terrae pour oublier la gerbe que lui donne tous ces beaufs sans oublier les bobos des nuits parisiennes. Chacun en prend pour son grade, il n'y a pas de raison. Quitte à se faire des ennemis, autant se fâcher avec tout le monde. Il n'est pas le seul à s'être essayé à cet exercice. Jonathan Tropper avec "Le livre de Joe" s'en était tiré avec brio. Olivier Adam, beaucoup moins.