Bret Easton Ellis possède ce petit côté ultra rentre-dedans qui lui confère une aura underground bien à lui, un peu comme si Salinger s’était envoyé un bon rail de coke pour arrêter de tergiverser avant de s’envoyer en l’air. Rien qui ne puisse le placer du côté de la retenue ou de la bien-pensance : ses personnages s’érigent tous, sans la moindre exception, comme des parangons de tout ce que l’Amérique veut garder bien caché : une bande de petits cons dont tout le puritanisme ambiant ne pouvait qu’un jour ou l’autre exacerber l’envie de révolte, sans que celle-ci ne puisse dépasser le pur hédonisme.


À cet égard, les deux premiers tiers des Lois de l’attraction, pour justifiée que s’avère sa perdition latente, pèchent largement par le vide intrinsèque qu’ils verbalisent à longueur de paragraphes. Consommation abusive de drogues, échec scolaire et partouzes endiablés s’enflamment constamment dans le relâchement notoire comme la folie stylistique d’Ellis, ce qui n’est pas sans apporter son degré de satisfaction. Difficile malgré tout de se maintenir aux péripéties mine de rien assez disparates dans lesquelles il daigne faire évoluer ces protagonistes au centre de ce maëlstrom, malgré tout l’attachement que permet la détresse les animant, avant que ne saillent bien explicitement les conséquences de leurs dérives.


Tant que ces attaches ne demeurent qu’au pur rang d’errances psychonautiques, Les Lois de l’attraction ne confinerait presque, en effet, qu’au rang de roman young adult assez apathique. Avec toute l’irrévérence qui la baliserait, de la bisexualité des personnages à leurs discours franchement nihilistes sur les arts et l’existence. Rien, pourtant, de très fascinant ni de franchement révolutionnaire dans leurs circonvolutions : on croirait parfois presque assister à un débat sur CNews ou à un débat de Terminales littéraires.


Jusqu’à ce que bien évidemment ne commencent à fuser les scènes de suicide ou leurs tentatives, ou que les pensées de Sean, Paul, Lauren et toute la clique ne commencent à se centrer purement sur le vide absolus de leurs divagations hallucinées et de ce qui les motive. Une véritable dramaturgie de l’éphémère s’esquisse alors, d’autant mieux rythmée par la temporalité du récit – au moins quatre ans étalés sur 350 pages – et la kyrielle de références littéraires, cinématographiques et musicales sollicitées par Ellis. Les Lois de l’attraction dessine un portrait abrasif des années 80, du point de vue somme toute franchement étriqué de ceux qui n’auront fait que le traverser par un regard de débauche, et qui après coup n’en constateront que mieux la déliquescence.


En bon enfant des années 80 – ça ne trompe pas ; il a publié Les Lois de l’attraction à seulement 24 ans –, le regard d’Ellis sur cette génération en mal d’existence ne pouvait qu’être chargé de tendresse et de compréhension. Le regard surplombant qu’il lui accorde confine pourtant parfois trop au misérabilisme, et pas systématiquement le bon. Autant le genre à susciter la pitié que le simple mépris. Un comble, en regard d’une démarche littéraire de sensibilisation.

Aldorus
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le 2 oct. 2024

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