Himmler souffre du dos et se tourne vers Kersten, un médecin finlandais, bien obligé de collaborer. Il pratique son art à la perfection, au point de s'attirer la confections, voire l'affection du haut dignitaire nazi. Le masseur profite de son influence pour adoucir la position de son illustre patient et ainsi le traitement de milliers de détenus dont le sort dépend de ce dernier. Un héros déconcertant détourne ainsi partiellement l'histoire, par l'apposition de ses mains.
Joseph Kessel, de l'Académie française, base son récit sur des sources biographiques nombreuses et fiables, dont il nous fait bénéficier. Il tient avant tout à l'exactitude de la restitution des faits, et c'est déjà énorme : la lectrice et le lecteur sont intégrés dans la salle de soin, les nombreux dialogues, tout aussi cliniques, suffisant à faire ressentir les états d'esprit respectifs des deux protagonistes dans ce quasi-huis-clos. La qualité littéraire en pâtit, selon certains. Ce n'est pas totalement faux, mais la critique me paraît sévère : le style reste certes clinique, donc peu séducteur ; aussi n'était-ce pas véritablement l'objectif, d'autant plus que la recherche de réalisme de ces échanges prête peu au lyrisme. Les faits parlent d'eux-mêmes, l'imaginaire pouvant aisément fonctionner sur leur fondement. Ce livre qui tient plus du documentaire que du roman historique reste donc très utile.