En expert du polar qu'il est, Keigo Higashino est passé maître dans l'art de concocter des mécaniques narratives de précision. Les miracles du bazar Namiya, qui nous arrive avec quelques années de retard sur sa publication japonaise, a beau appartenir à un autre genre, les qualités d'orfèvrerie du romancier n'ont pas disparu pour autant. Ici, c'est un élément fantastique qui sous-tend l'intrigue, ou devrait-on dire plutôt les intrigues, car les différents chapitres reliés chacun au même phénomène étrange de voyage dans le temps, sont autant d'histoires qui racontent chacune des personnages à un tournant de leur existence. La façon dont Higashino entremêle ces différents destins est proprement époustouflante, comme autant de séquences qui composent un livre d'existences autour de ce mystérieux bazar Namiya. Si voyage dans le temps il y a, ce sont des lettres qui le font, écrites à une époque donnée et lues pour certaines quelque 40 ans plus tard. L'occasion pour l'auteur de se livrer à une évocation de l'Histoire japonaise des 4 dernières décennies, de manière plutôt narquoise et ludique que didactique. Higashino a mis beaucoup d'humanité et d'émotion dans son récit, partageant avec le cinéaste Jean Renoir l'idée que "chacun a ses raisons", sous-entendu que choisir une direction plutôt qu'une autre se base sur des raisons personnelles et souvent instinctives. Et c'est justement là que le bazar Namiya intervient, avec un bon sens et parfois une rudesse qui ont le mérite de la franchise. Enfin, bref, le livre est difficile à lâcher, s'aventurant de temps en temps dans les pas d'un autre grand japonais, nommé Murakami. A ceci près, et c'est le bémol principal, que le style de Higashino est beaucoup plus simple que celui de son confrère, frisant à l'occasion la platitude. Cela n'obère pas le grand plaisir pris à dévorer Les miracles du bazar Namiya mais cela le diminue un peu, quand même.