Pour les lecteurs occasionnels, il faut certes un peu de courage pour se dire : "allez, je me lance dans la lecture des Misérables". C'est vrai, ce sont quand même 2 000 pages de récit à lire. Mais ce sont pourtant ces 2 000 pages, pour moi qui ne lisait pas beaucoup jusqu'à présent, qui m'ont réconcilié avec la littérature.
Ce roman, cette anthologie, nous parle de beaucoup de choses : d'histoire, de philosophie, de poésie, d'amour, de filiation, de politique, de croyance, de la sociologie de Paris, du XIXe siècle, et en fait, de l'humanité toute entière.
On est plongé dans le récit dès la première minute, et on ne le lâche pas jusqu'à la dernière page. Le récit fictif des personnages est intégré à de vrais éléments réels, qui ont existé (bataille de Waterloo, vraie géographie de Paris avec des vrais lieux, vrais études scientifiques à l'appui de certaines descriptions comme les égouts de Paris ...). Du reste, chaque personnage a une profondeur que je trouve inégalée par rapport aux autres romans que j'ai pu lire, tout genre confondu. A vrai dire, chaque personnage est une allégorie de la société. Dans Les Misérables, tous les lecteurs, tous, pourront se retrouver dans au moins l'un d'entre eux.
Mais si ce roman est un chef d'oeuvre, c'est aussi parce qu'il constitue une véritable leçon d'humanité, et une vraie analyse de société. C'est parce qu'il est toujours d'actualité. Je crois que la préface rédigée par Victor Hugo lui-même à son livre en 1862 le dira mieux que moi, et je crois devoir la citer ici dans son intégralité, tant elle est parfaite, et résume à elle seule l'objet du roman :
Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles (Victor Hugo, Hauteville-House, 1862).
Voilà, tout est dit. Et tout est encore d'actualité, même si les formes de misère ont évolué. Voilà pourquoi il faut impérativement lire ce chef d'oeuvre, qui traverse le temps, les générations, et qui reste et restera gravé dans les esprits de celles et ceux qui ont découvert, ou qui découvriront un jour, l'histoire de Jean Valjean, de Marius, de Cosette et de tant d'autres ... parce que c'est aussi notre histoire qu'Hugo nous raconte.