Après plusieurs publications très moyennes ces dernières années (deux novelisations d'épisodes de la série "Les rivières pourpres", et un roman original médiocre : "La terre des morts"), on est heureux de retrouver un Jean-Christophe Grangé plus investi et plus inspiré.
Pour la première fois, Grangé s'attèle à un roman historique, situant son récit dans l'Allemangne nazie de la fin des années 30.
On sent un vrai travail de documentation et une excellente connaissance de son sujet ; ainsi, chaque déplacement dans les rues de la capitale allemande occasionne des descriptions inspirées, riches de références historiques et d'exposés érudits sur l'architecture locale. On se promène dans l'immense Tiergarten après avoir longé la Sprée, on frissonne en se hâtant devant le bâtiment numéro 8 de la Prinz-Albert-Strasse (les locaux de la Gestapo), on se rémémore le Berlin effervescent des années folles en scrutant les dernières vitrines aguicheuses du Kurfürstendamm... On découvre aussi le luxe discret des salons de l'Hôtel Adlon, qui accueille de jolies berlinoises oïsives, mariées avec les plus hauts dignitaires nazis, et qui se font bientôt assassiner sauvagement, les unes après les autres!
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Pour mener les investigations, Grangé choisit d'associer un improbable trio : chargé de l'enquête, Franz, un paysan rustaud ayant gravi les échelons de la Gestapo, choisit de s'entourer de deux civils : la belle Minna, riche héritière portée sur la bouteille, qui dirige l'institut psychiatrique dans lequel est placé le père de Franz, ainsi que l'élégant et mondain Simon, psychanalyste de chacune des victimes.
On peut souligner le parti-pris audacieux de Grangé, qui décide de transformer un SS en héros "positif". Ces personnages ambivalents se révèlent complémentaires et attachants, mais il ne faudra pas se montrer trop tatillon en matière de vraisemblance et d'authenticité, car on a bien du mal à croire à cette coalition rocambolesque : leurs échanges apparaissent très actuels, très contemporains, et les héros s'apparentent un peu à des figurines entre les mains de l'auteur.
La seconde moitié du roman, plus sombre, constitue pour Grangé l'occasion de développer les atrocités du régime : persécution des juifs, massacre des handicapés mentaux, stérilisation des populations tziganes. Ainsi, l'ultime séquence des "Promises", après une ellipse temporelle de 3 ans, se déroule dans un camp de concentration...
Si l'intrigue s'avère efficace (quoiqu'un brin décousue), c'est surtout le syle de l'auteur qui constitue la grande force des "Promises". Avec son écriture percutante, toujours un savant mélange d'oralité et d'élégance, de familiarité et de raffinement, Grangé se montre ici à son meilleur, multipliant les fulgurances littéraires à travers des réflexions brillantes et des dialogues au cordeau.
Sans figurer sur le podium des meilleurs titres de Grangé, "Les promises" vient se postionner juste en dessous, parmi les très bons thrillers de l'ancien journaliste, grâce notamment à sa dimension historique et à la façon très personnelle dont l'auteur ridiculise le Reich de mille ans.