... Ou comment représenter l'existence d'Harry August : un éternel recommencement.
Harry naît en 1919 et vit sa première vie de manière tout à fait ordinaire et banale comme la plupart des hommes de sa génération. Il meurt de la même manière, d'une maladie ordinaire. Sauf qu'au lieu de mourir tout simplement, Harry renaît, exactement au même endroit, à la même époque. Après quelques vies d'égarement entre folie et quête spirituelle pour tenter de comprendre sa malédiction personnelle, Harry découvre qu'il n'est pas seul. Il trouve en effet dans le mystérieux "cercle Cronus" le rassemblement de ses semblables : des êtres humains, qui, comme lui, sont condamnés à revivre leur vies éternellement, en se souvenant de leur existences précédentes.
Ces êtres hors du commun, appelés "ouroboriens" ont pour mot d'ordre d’interagir le moins possible avec la roue du temps, et de ne rien mettre en oeuvre qui puisse altérer le futur des prochaines générations. Leur mantra : " la complexité des événements incite à s'abstenir de toute intervention". . Ils veillent donc à garder un œil sur toute activité suspecte (souvent le fait d'un des leurs) qui pourrait venir altérer le cours du temps. Pour cela, les membres du cercle Cronus communiquent à travers les siècles, grâce à des messages gravés dans la pierre où encore par bouche à oreille, de vieillard à enfant.
C'est ainsi que, allongé sur son lit de (énième) mort, Harry reçoit la visite d'une petite fille venue lui délivrer un étrange message : "La fin du monde approche [...] La fin du monde approche, et nous ne pouvons pas l'en empêcher. A vous de jouer."
Vous l'aurez deviné, ce n'est pas tant la fin du monde (qu'on ne peut éviter) qui est problématique, mais le fait qu'elle se produise de plus en plus tôt à chaque cycle. Pour empêcher cette catastrophe qui pourrait sonner la véritable fin du cercle Cronus, Harry va devoir se lancer dans une véritable croisade à travers les âges.
Sujet classique de la SF (on pense à Replay, de Ken Grimwood, 22/11/1963 de S. King ou encore Un jour sans fin au cinéma), mais sujet aussi "casse gueule", Claire North s'en sort plutôt bien avec Les Quinze premières vies d'Harry August. L'auteur a effet choisi une écriture non linéaire des faits, une façon plus complexe de nous faire visiter les multiples vies de Harry, mais qui a l'avantage d'éviter les longueurs et redondances et de donner plus de rythme au récit.
Le roman est également bien documenté, historiquement et scientifiquement, sur les faits et inventions du XXe siècle, ce qui donne de la crédibilité à l'histoire.
Une bonne intrigue, un fil conducteur qui tient la route, des personnages plutôt bien construits...
Ce livre ne manque pas de qualités, mais malheureusement je n'ai pas été aussi séduite que je ne le pensais. On s'attache difficilement aux personnages, comme si on était à notre tour atteint de leur "détachement" face au cours des choses. On tourne assez vite les pages pour savoir ce qui va se passer, mais on y prête seulement une attention distraite. A aucun moment ne s'opère cette fusion magique du lecteur lié émotionnellement au sort des personnages. On reste ce lecteur froid et détaché de toute implication affective.
Les Quinze premières vies d'Harry August est donc une lecture divertissante mais elle ne vous laissera pas une empreinte durable. Une fois la dernière page tournée, on passe vite à autre chose.