J'ai relu Les Racines du Ciel après 6 ans, car toutes ces années, ce livre m'a hantée. Comme après Cent ans de solitude, j'avais eu le sentiment d'avoir terminé une œuvre essentielle, qui à sa manière, résumait l'histoire de l'humanité. Ode puissante à la nature et la liberté, ce roman est aussi un chef d’œuvre de construction narrative, basé sur l'oralité : les récits de tous ceux qui ont croisé, aimé ou haï Morel s'imbriquent, pour constituer les témoignages du procès final. Ces récits, qui construisent le mythe du défenseur des éléphants sont autant de voix qui racontent une époque complexe, celle de la décolonisation de l'Afrique. Morel l'obstiné, qui se balade avec sa mallette pleine de tracts, cristallise les espoirs et les rages d'individus solitaires. La finesse et sa force poétique du roman résident dans son mélange entre le symbolique et le concret : la lutte d'un homme pour le protection de la nature et sa manière si concrète d'arriver à ses fins. Et au loin, les éléphants, puissants et terriblement mortels.
Dans nul roman, un personnage de fiction ne m'a autant touchée que Minna, la seule femme, qui porte en elle toute les horreurs de la guerre et qui trouve dans la nature une source d'espoir inépuisable. Les luttes écologiques et la foi dans l'humanité, qui sont au coeur du récit, en font un livre plus actuel que jamais.