Les romans de Carole Martinez sont des rendez-vous que j’attends chaque fois avec impatience pendant des années, qui ne se déroulent jamais comme je l’avais imaginé mais dont je repars toujours séduite. Ainsi, dans ses derniers romans, une fresque à travers le temps se dessinant dans le légendaire domaine des Murmures, je m’attendais à un bond de deux ou trois siècles pour rencontrer un nouveau personnage féminin complexe et sensuel prenant place dans ce lieu.
Ce sera peut-être un prochain rendez-vous, car Carole Martinez a choisi de situer l’intrigue de son nouveau roman, Les Roses fauves, en Basse-Bretagne, dans un village reculé, auprès de Lola, une postière célibataire qui n’y connaît rien au désir, et même s’en méfie. L’autrice elle-même s’offre une place dans son récit, sous les traits d’une écrivaine en quête de merveilleux et d’inspiration qui va être invitée par l’héroïne à l’aider à démêler le passé de sa lignée maternelle, essentiellement féminine et se transmettant de manière ancestrale des petits coeurs brodés dans lesquels sont enfermées des confessions écrites en espagnol, puisque c’est là l’une des origines de Lola. L’autre est bretonne, et on découvrira aussi dans cette lignée et figure paternelles des légendes et des secrets.
Les chapitres sur l’écrivaine sont une porte ouverte sur la fabrique du roman, ou du moins d’un roman. Pour qui l’a déjà entendue en rencontre, on a l’impression d’entendre Carole Martinez parler de la genèse de ses livres sur la petite scène d’une librairie ou à une conférence dans un salon littéraire : un plaisir rare. La mise en scène et la mise à distance sont bien entendu de mise dans le récit, mais on retrouve la même authenticité cachée derrière le jeu. Les Roses fauves est effectivement un jeu de vérité et de fiction : on cherche dans le récit de la postière l’once de vérité qui est forcément là quelque part, puisque l’écrivaine de l’histoire ressemble tellement à l’autrice bien réelle. Pourquoi cette postière et les histoires qu’elle porte ne pourraient-elles pas être vraies elles aussi ? Parce que la fiction s’exhibe : l’écrivaine nous montre qu’elle est en train d’’inventer une histoire à partir de quelques bribes du réel : une image, un lieu, une ou plusieurs personnes, deviennent quête, village mythique et personnage mystérieux. Le réel est dépassé lorsque tous ces éléments s’installent dans une mythologie familiale, féminine et merveilleuse, à l’instar de ce que l’autrice a déjà créé avec le Coeur cousu.
Sauf que ce récit-là débute avec un coeur décousu...
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