Alors c'était ça Les Saisons de Maurice Pons ? Tu vois petit, à l'époque j'étais encore plus petit mais Mélanie, Marianne, Charlotte et certainement beaucoup d'autres liseur.euses en qui je perçois toujours cette espèce de classe à lire des livres avec la sensibilité qui me fait défaut, bref ielles m'avaient pourtant dit qu'il fallait absolument lire ce livre sans être foutu.es de me dire de quoi ça parlait.
Alors j'ai laissé le livre de côté pendant un million d'années au moins, en me disant que quand ch'rai grand il serait temps. Je sais pas s'il était temps mais en tout cas je suis quand même devenu plus vieux je crois.
J'avais jamais imaginé ce que l'impact de deux saisons et seulement deux feraient sur une population qui vit recluse sur une montagne où tout espoir a foutu le camp. En plus tu vois les saisons c'est pas de bol, c'est un automne qui dure longtemps et un hiver qui dure quarante mois. Quarante mois d'hiver, ça fait un sacré paquet d'oiseaux qui meurent gelés, et les filles ont beau planquer des grenouilles dans leur nénette pour prévenir de la sexualité ou je sais pas quoi, de s'emmitoufler le bas du ventre avec des petits animaux de compagnie, tout ça mon vieux ça m'empêche pas les morts et ça redonne de l'espoir dans rien.
Alors c'est Siméon qui en fait les frais, car lui il débarque dans le village en la qualité d'étranger, ce qui est un statut à part tu me diras, on le vit tous au moins une fois, ce qui n'empêche pas de se méfier des étrangers une fois qu'on ne l'est plus. Mais Siméon il avait besoin de fuir très très loin pour oublier les horreurs et les écrire. Parce que Siméon il est certainement étranger pour le reste du monde mais pour lui, c'est un écrivain.
On baigne dans une atmosphère brumeuse, neigeuse, venteuse, avec un ton proche de Gripari je trouve mais c'est juste mon avis ; ça dit beaucoup de gros mots, ça flirte avec le fantastique, mais ça prend pas le dessus. On dirait presque que Caro et Jeunet se sont inspirés de Maurice Pons pour réaliser Delicatessen si tu veux tout savoir. C'est écrit dans une plume de conteur hors pair mais qui veut pas que son public s'emmerde alors c'est très dynamique et haut en couleurs et tout même si à mon avis il doit pas beaucoup y avoir de couleurs dans la vie de ces gens là en vrai. On pense pas mal à Brel d'ailleurs quand il chante Ces gens-là, mais c'est encore une passerelle que j'ai senti quand j'ai lu quoi.
Le village est dur et moqueur et on assiste à la dégradation physique et mentale du pauvre Siméon (qui peut être un vrai trouduc par moments en sa qualité d'humain, comme tout un chacun je dirais). Après on se dit que c'est son lot parce que le village et les villageois ils se dégradent aussi même si tu sens les vestiges de certains dès le départ de l'histoire.
Les Saisons donc, c'est ce que j'ai lu de mieux depuis longtemps. C'était donc ça qui m'attendait ?
Bin mon vieux fais pas la même erreur que moi et si t'as jamais lu les Saisons, c'est indescriptible tellement c'est particulier et beau et réconfortant alors que c'est bourré de manque d'espoir.
Putain, c'était trop bien !